Avant, il y avait l'électricité, l'aviation, Internet, la musique et
Shakespeare...
Après le Chaos, il reste les souvenirs, la musique et
Shakespeare...
Voici de la science-fiction mélancolique comme j'ai eu peu souvent le plaisir d'en lire, débarrassée de tout artifice de thriller post apocalypse.
Une pandémie de grippe fulgurante anéantit 99% de la population mondiale: en quelques jours, la société telle que nous la connaissons disparaît, laissant des individus perdus sans le tout-technologique.
Peu à peu, l'image d'un nouveau monde plausible se dessine en miroir de la civilisation disparue: des rescapés en petites communautés, capables du pire en violences et faux prophètes, mais aussi du meilleur par l'entraide, l'empathie, le désir de transmettre. Au-delà du sens pratique pour résister, c'est une réflexion sur le deuil, la capacité de résilience et le refus d'abdiquer sa part d'humanité pour la barbarie.
Avec une belle profondeur émotionnelle, des images fortes* et une construction narrative intelligente qui brouille les pièces du puzzle,
Emily St John Mandel nous fait mourir, renaître et survivre avec ses personnages, établissant des liens entre eux, entre l'avant et l'après.
Et s'il reste un message fort, c'est de nous faire ouvrir les yeux sur notre société de privilégiés, sur la beauté de la nature (qui reprend ses droits), le confort fragile de notre civilisation qui paraît si évident, et l'importance de l'art, de l'amitié et de l'amour.
"Parce que survivre est insuffisant"
* ... qui resteront comme une carcasse d'avion, vigie mausolée au bout d'un tarmac.