Quitte à être un monstre, autant l'être avec classe, non?
On ne peut pas affirmer la préméditation, malgré la dislocation pointue. Un boucher? Un chasseur? Un toubib? Des tas de métiers correspondraient volontiers à cette dépersonnalisation.
Il tranche des morceaux de viande saignante dans son assiette avant d'y piquer sa fourchette, les yeux exorbités. Du jus rouge et brûlant gicle dans la porcelaine. Il se lèche les babines à l'odeur du mets.
On ne peut pas traquer un assassin pour éviter de le devenir.
A l'instant même où il a enfourné sa première fourchette de joue de petite fille, Ernest a décrété que plus rien au monde ne le forcerait à traquer dans la forêt, à se rouler dans la boue, pour avaler du sanglier!
Il tranche des morceaux de viande saignante dans son assiette avant d'y piquer sa fourchette, les yeux exorbités. Du jus rouge et brûlant gicle dans la porcelaine. Il se lèche les babines à l'odeur du mets.
Ernest Frisch enfourne une première bouchée entre ses lèvres charnues et savoure. Il mastique lentement, c'est important pour la digestion, et puis, il compte bien profiter de cette sensation apaisante le plus longtemps possible. Le congélateur est vide !
Il va devoir repartir à la chasse avant que ses pulsions ne le reprennent. Avant que les hallucinations ne reviennent. Avant que les voix ne l'assaillent à nouveau. Car, lorsque le manque l'envahit, il perd complètement les pédales. S'il commet des erreurs, la viande abattue n'a pas ce parfum de perfection. La chair est dure et il faut la faire mijoter des heures pour l'attendrir. Il est obligé d'ajouter des épices et ça le désole !
Plus longtemps nous sommes l'otage du mal, plus vite nous devenons son complice.
Céder au mal peut rendre fou à lier ; lutter contre aussi.