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Critique de elea2020


J'ai passé un bon moment à lire ces trois nouvelles, faciles à parcourir, faciles à laisser aussi. L'ensemble donne l'impression de situations un peu artificielles créées pour étudier les sentiments qui seraient possibles dans ce cas, un peu comme un exercice de salon mondain. A partir de là, Mme de Staël a un style enlevé et une manière vive de dépeindre les sentiments, c'est plutôt agréable à lire, mais il n'y a pas vraiment d'enjeu.

Dans la première nouvelle, "Mirza ou lettre d'un voyageur", un narrateur relate sa rencontre avec Ximéo, un jeune homme autrefois prince dans sa région du Sénégal, et délivré de l'esclavage, travaillant à présent dans une plantation modèle. Celui-ci lui fait le récit de son amour pour Mirza, jeune femme solitaire et très sage, qui lui a donné tout son amour et dont il s'est lassé, non sans connaître une grande douleur quand il comprend quel amour il a perdu, et sans chercher à se racheter.

C'est un peu la même situation qui se pose dans "Adélaïde et Théodore" : Adélaïde, jeune femme habituée au monde et un peu vaine, mais sensible, séjourne à la campagne chez une tante et rencontre Théodore. Ils s'éprennent tous deux l'un de l'autre, mais Théodore est un jeune homme épris de perfection et d'absolu, et si le moindre nuage ternit chez l'être aimé l'expression de son amour, il en vient aux pires extrémités.

La dernière nouvelle, "Histoire de Pauline", propose encore sensiblement la même situation, mais compliquée de l'honneur d'une jeune fille avilie par un homme pervers qui a profité d'elle, et qui regagne le sens de l'honneur et de la vertu chez une femme de bien, qui l'aide à fuir et la recueille. Alors, elle rencontre Edouard, dont elle ne se juge pas digne au départ, et aux avances duquel elle se dérobe. Mais elle finit par se laisser convaincre par sa protectrice, soucieuse de son bonheur, et par l'épouser, en lui cachant ce lourd secret qu'il finira malheureusement par apprendre...

Ce sont trois récits bien menés, tragiques dans le ton, qui offrent une réflexion sur la relation de couple, l'amour, et la notion que peut avoir chacun de l'amour fusionnel, où l'on ne serait heureux.se qu'en se fondant en l'autre et en vivant pour lui et par lui.

Ce sont aussi des réflexions sur l'éducation, l'expérience que confère la vie, qui peut amener à s'amender, mais aussi à vivre des traumatismes et à ne plus pouvoir se relever du déshonneur, surtout dans une société sévère, qui a vite fait de juger des fautes de jeunesse.

Madame de Staël avait, dit-on, reçu une éducation un peu trop libre, et lorsqu'elle décrit une jeune fille dans le monde, on sent qu'elle n'arrive pas à juger vraiment une certaine légèreté, envie de s'amuser, même si cela fait le malheur de l'autre.

Ces nouvelles se situent dans un entre-deux, une époque où il faut encore juger cela, alors qu'aujourd'hui, nous serions sévères pour celui qui exige de posséder totalement l'autre, et de ne le (la) voir vivre qu'avec lui, sans s'intéresser à rien ni personne d'autre. On jugerait ce type de relation étouffante, et d'une certaine manière, l'auteur en démontre l'impossibilité.

Certains passages sur l'incompréhension entre deux jeunes gens, le malheur qui s'installe parce que chacun(e) attend que l'autre le comprenne avant de parler, le malentendu qui pèse parce qu'on est trop fier(e) pour demander ou vérifier un doute, une inquiétude ; ces passages sont remarquablement réussis, très justes psychologiquement, et c'est ce qui m'a touchée, quoique je sois restée un peu étrangère à ces histoires romantiques de passions et de vertu.
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