Trois nouvelles /
Madame de Staël (1766-1817)
Tout d'abord, une présentation de l'auteure s'impose, une femme talentueuse qui connut autant la richesse que la notoriété de par ses parents initialement. Elle eut des amis et des amants illustres avec en tête
Benjamin Constant avec qui elle forma un couple qui appartient à l'histoire littéraire et politique de la France.
de son vrai nom Anne-Louise-Germaine Necker, baronne de
Staël-Holstein,
Madame de Staël était la fille unique de Jacques Necker (1732-1804), financier et homme politique suisse né en république de Genève, et qui fut ministre des finances de Louis XVI.
Rien ne semble avoir manqué à cette femme très instruite et d'une grande intelligence, figure intellectuelle de premier plan, grande voyageuse, salonnière éblouissante même si l'on disait qu'elle n'était pas très jolie, romancière, historienne et mémorialiste, essayiste et épistolière brillante. Elle pesa aussi sur les débats d'idées de l'époque prérévolutionnaire et notamment sur la question de l'esclavage. Elle dénonça toujours dès 1800 le sort réservé aux femmes auteures les comparant à des parias. Sa forte conscience de la difficulté d'exister en littérature en tant que femme se retrouvera tout au long de son oeuvre. Elle choqua souvent par sa liberté de ton et de pensée, de parole et de conduite, célébrant
Jean-Jacques Rousseau et prenant la défense de
Marie-Antoinette. Elle rappelait souvent à ses interlocuteurs qu'elle n'était pas française, mais suisse. Mariée à l'âge de vingt ans (1786) à un diplomate suédois ambassadeur du roi de Suède à Paris, elle dut s'exiler en Suisse à partir de 1795, car difficilement tolérée sur le sol français en raison de son aversion pour
Napoléon Bonaparte, et ce jusqu'à la chute de l'Empire, c'est-à-dire deux ans avant sa mort (1817).
Nouvelle N°1 : Mirza ou Lettre d'un voyageur. (1786)
Notre voyageur revient du Sénégal où il a découvert que le gouverneur avait permis à une famille nègre de pratiquer la culture de la canne à sucre comme cela se fait à Saint Domingue, avec là-bas le travail des esclaves. Ainsi les Européens n'enlèveraient plus à leur patrie des familles pour leur faire souffrir le joug affreux de l'esclavage. le voyageur rend alors visite au chef Ximeo de l'habitation et à sa femme Ourika. Il est chaleureusement accueilli et le lendemain après une nuit passé confortablement, Ximeo décide de faire visiter l'habitation au voyageur qui constate le bon ordre de la plantation et le bonheur des ouvriers dirigés sans cruauté inutile. Et en chemin, Ximeo raconte sa vie au visiteur. Une vie marquée par une voix de femme entendue lors d'une promenade en montagne, qui chantait l'amour de la liberté et l'horreur de l'esclavage. Il découvre la source de cette voix, une jeune fille qui lui raconte qu'un français malheureux dans son pays natal, un vieillard à présent, était venu s'établir ici et avait daigné prendre soin de sa jeunesse en lui enseignant le français et les connaissances dont les Européens abusent et la philosophie dont ils suivent si mal les leçons. Ximeo admiratif, fut ébloui. Elle s'appelait Mirza du pays des Jaloffes, tribu voisine en conflit avec celle de Ximeo, et Ximeo la revit. Elle lui confia pour faire réponse à ses questions qu'elle n'avait jamais aimé et elle lui transmit sa sagesse. Et Ximeo, enivré de sa grâce, de son esprit et de ses regards, découvrit qu'il l'aimait. Mais le destin guettait qui allait interférer dans la vie de Ximeo et de Mirza…
La promesse faite à Ximeo par le visiteur de raconter l'histoire de Mirza est la raison de cette lettre.
Cette très belle histoire d'amours contrariés sur fond d'esclavage, narrée dans un style somptueux comme savait l'être toujours celui des écrivains du XVIII e siècle, laisse poindre le romantisme futur tout en se réclamant des idées des philosophes du siècle des Lumières. Magnifique.
Nouvelle N°2 / Adélaïde et Théodore.
La fortune et l'éducation d'Adélaïde, orpheline de très bonne heure, avait été confiée au baron d'Orville, le frère de son père, un homme aimable et gentil. Cependant, ce brave homme réalisa rapidement qu'il n'était pas fait pour élever une jeune fille et laissa Adélaïde à la campagne jusqu'à l'âge de quatorze ans chez sa parente Mme d'Orfeuil. Âgée de trente ans, cette femme se sentait depuis longtemps délaissée par son mari et passait son temps en dévotion en rêvant à des chimères. Adélaïde l'aimait avec passion et ensemble elles lisaient des romans et priaient Dieu en s'exaltant mutuellement.
À quatorze ans elle revint chez le baron d'Orville qui lui fit rencontrer des amies qui s'occupèrent de diriger ses toilettes afin de la rendre plus coquette. Un certain M. de Linières, parent du baron, tomba amoureux d'elle. Cet honnête homme, en fait un oncle, âgé de soixante ans l'épousa avec l'accord du baron. Adélaïde, désespérée qu'on ne l'ait même pas consultée voyait alors que le bonheur d'aimer lui était à jamais interdit. Jolie et spirituelle, aimant le monde, elle décida de sortir de chez elle le plus souvent possible protestant sans cesse contre la vie qu'elle menait. Deux ans passèrent au cours desquels elle connut fêtes et succès tout en restant bonne pour son époux qui tomba malade et mourut. Adélaïde passait l'année de veuvage chez Mme d'Orfeuil, sa tante adorée, au coeur d'une campagne où son imagination se livrait toute entière à ses charmes bucoliques lorsqu'elle fit la connaissance de la princesse de Rostain, une amie de sa tante, laquelle avait un fils, Théodore, grand amateur de fêtes, de frasques et de femmes, et aussi spirituel et aimable. Il eut vite fait de rendre un culte aux charmes d'Adélaïde qui était irrésistiblement attirée par lui. Après quelques hésitations et incompréhensions au cours desquelles Théodore lui avoua que son grand défaut était d'être victime d'une jalousie maladive et d'une susceptibilité qui altéraient son bonheur, son imagination suffisant à le plonger dans le désespoir, ils se marièrent secrètement, en dépit du deuil d'Adélaïde et du refus catégorique de Mme de Rostain. À dix-huit ans, Adélaïde vivait un bonheur parfait lorsqu'i décidèrent de partir à Paris chez le baron d'Orville. Riche et belle, Adélaïde attirait tous les regard er tous les hommages en société. Mais les premiers signes de tristesse apparurent sur le visage de Théodore…
Nouvelle N°3 / Histoire de Pauline.
Pauline de Gercourt, alors toute jeune orpheline de treize ans, élevée négligemment par un tuteur, a été mariée contre son gré à un négociant fort riche. Planteur à Saint-Domingue, où se situe l'action, M.de Valville veut devenir encore plus riche et la dot de la jolie Pauline va y contribuer, et notamment pour acheter des esclaves.
Un ami de M.de Valville, M. de Meltin, trente-six ans, observe Pauline et cherche à lui plaire et sentant qu'il aura du mal à la séduire, il se flatte de pouvoir la corrompre en lui présentant Théodore son jeune cousin. Théodore est un garçon timide mais M.de Meltin se charge de l'enhardir. Tombé amoureux de Pauline qui elle-même est attirée par lui, Théodore ne parvient pas à se déclarer et décide de quitter l'île pour la France. Pauline très éloignée de son mari, se retrouve seule avec M.de Meltin qui lui propose d'être pour elle secrètement un père, un époux et un amant. La suite est une succession de situations que Pauline va avoir bien des difficultés à surmonter avec la disparition de Théodore et de Valville, malgré l'aide précieuse de Mme de Verseuil, une parente qui l'aime beaucoup et qui va lui présenter un homme, encore un ! auquel elle lui conseille de cacher son passé.
J'ai trouvé cette troisième nouvelle, moins aboutie que les deux premières, avec des situations un peu artificielles. On sent que l'auteure est jeune et romantique, elle a vingt ans lorsqu'elle écrit ces
trois nouvelles. Cette histoire d'une jeune fille avilie par un pervers et qui voit son honneur de ce fait corrompu, puis secourue par celle qui va lui présenter l'homme de sa vie est un peu difficultueuse.
En résumé
trois nouvelles bien écrites, plutôt mélodramatiques, abordant notamment la relation de couple et les questions d'éducation et d'honneur sans oublier la difficulté de communication entre les amoureux.