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Critique de horline


Le soldat et le gramophone est le genre de roman comme seuls ou presque les territoires des Balkans savent en générer. Comme souvent, il y est question de la guerre fratricide qui a déchiré la Bosnie, de mort, de familles séparées et déracinées mais Saša Stanišic a enrubanné le tableau d'insouciance, de cynisme et d'absurde.
La guerre est même très peu évoquée dans le récit qui ressemble à une succession d'instantanés qui s'entrechoquent, la pensée surgit de manière pas toujours limpide et les associations d'idées sont parfois farfelues. L'empreinte du jeune âge du narrateur, qui avec sa voix enfantine inspecte les choses futiles, les petits détails et ne regarde pas les événements de la même manière que les adultes.
Puis le temps, le déracinement né de l'exil en Allemagne s'emparent de la mémoire chaotique, ils exigent une certaine cohérence, le besoin de donner sens aux impressions d'enfant. le roman abandonne sa part de fantaisie pour donner une seconde vie autant qu'une autre dimension aux souvenirs. L'écheveau des évocations se démêle et le récit devient plus sombre et intensément réaliste.

Dans ce roman à forte coloration autobiographique, tout le talent de l'auteur réside dans cette faculté à restituer la perception d'un événement tragique par un enfant. Il fouille sa mémoire et, débarrassé de sa perspective d'adulte, le regard s'attarde sur les copains de l'époque, les histoires du grand-père fervent partisan de Tito, les repas de famille, les parties de pêche dans la Drina. le texte constitue des assemblages extravagants par instants, on savoure l'humour poétique et la vérité pleine de candeur à d'autres.
Il nous ramène un peu en enfance, il faut donc faire preuve d'une certaine souplesse chaque fois que le jeune narrateur joue à saute-moutons avec les faits, accepter les zones d'ombre laissées à plus tard. La rupture narrative tout comme la variation des genres sont susceptibles d'en surprendre quelques-uns. Mais cela apporte tout au moins une certaine profondeur au texte.

Même si le soldat et le gramophone emprunte à l'écriture introspective allemande, il reprend pour l'essentiel les codes de la littérature des Balkans avec cette faculté de réenchanter un monde dévasté. Véritable marqueur génétique qui a toujours été une force d'attraction à laquelle il m'est difficile de résister.
Lecture distrayante.
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