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Critique de Beaugeste


Le plus gros enfumage provenant d'Islande depuis la dernière éruption de l'Eyjafjallajökull..!

Après un bref développement en exergue, où Jon Kalman Stefansson essaye de vous faire gober d'entrée de jeu cette soi disante «loi fondamentale» de la génétique, à savoir que «les gènes charrient vos émotions, souvenirs, expériences, et traumatismes d'une vie à une autre et, dans ce sens, certains d'entre nous sont vivants après leur disparition» (Waouh ! Mais encore M Stefansson...? Pourriez-vous svp expliciter?), l'on est introduit sans transition à un personnage narrateur amnésique qui, lui, non seulement a oublié qui il est, mais ne sait pas s'il rêve ou pas, ni comment serait-il arrivé dans cette petite chapelle située dans un fjord perdu au fin fond de l'Islande (six cents pages après, d'ailleurs, je vous le préviens, l'on ne saura guère plus qui est-il (?) ni pour quelle raison il n'aura toujours pas réussi à retrouver toutes ses "bagages" - génétiques (?)

Bref, toujours est-il que sortant de cette chapelle, il aperçoit une (vraie) Volvo bleue garée le long d'un petit cimetière. Tiens, sa voiture peut-être ! Quelle chance, celle-ci n'est pas fermée à clef ! (Diantre, pourquoi ne cherche-t-il pas au moins sa carte grise ? -n'ai-je pas pu m'empêcher de m'écrier sur le champ ! - Et puis, en 2020, ne posséderait-il tout de même pas l'une de ces petites merveilles électroniques dont on a pris l'habitude de dire, souvent en larmes, quand on les perd ou se les fait chourer : « mais j'avais toute ma vie là-dedans » !!

J'en étais là, voyez-vous, page 4, déjà d'humeur légèrement contrariée, sans même savoir que le pire m'attendait encore :

De grosses ficelles généalogiques en copier-coller ; une succession de personnages caricaturaux, les uns plus gentillets que les autres ; une scénarisation emberlificotée cousue de fil blanc, sans aucun souci de vraisemblance (un mec, par exemple, risquait d'aller en tôle pendant les trois quarts du roman pour avoir tiré sur des gens dans un camion, et puis, oh non, ce n'était finalement pas ça ( ?) –le lecteur n'en saura pas plus- mais qu'importe, l'essentiel c'est qu'il pourra se montrer comme tout le monde à la grande boum pour les morts organisée à a fin du livre ; ou alors, en plein XIXe, au fin encore plus fond de l'Islande rurale, une femme pratiquement illettrée, écrit un article scientifique sur les vers de terre, fait tomber amoureux un pasteur, marié lui aussi, qui la fait entrer dans le comité scientifique d'une revue, avec l'accord du mari de la première, lui fait un enfant par la même occasion (le pasteur), lequel enfant fait un autre enfant avec une autre femme mariée, qui fait un enfant...basta !! On ne va quand-même pas y passer la journée !!)

Un style narratif tape à l'oeil, empoignant et sentimental, avec en prime des longueurs et des répétitions franchement insupportables – à faire peut-être lever des tombes et sortir des ténèbres les morts, à permettre de «ralentir la course du temps » et faire durer un max toutes ces émotions «charriées d'une vie à l'autre», mais hélas aussi à faire dormir debout un lecteur comme moi encore plus au moins en vie, Dieu merci !

Enfin, outre le fait de voir très énervé la pensée nuancée d'un Kierkegaard que j'admire tant être transformée ici en pain-saucisse islandais qu'on consomme sur le pouce (n'oubliez pas de prendre le temps de faire «sourire les défunts» au moment du cliché : « cheese » !), le pire pour moi, le pire de tout ici, croyez-moi, fut surtout de subir l'improbable, l'inimaginable concentration de poncifs de type «développement personnel» (tiens, peut-être que ce type sans nom, le narrateur, était au fond un vrai avatar islandais réincarné de Paulo Coelho?) Poncifs d'ailleurs que j'avais commencé à noter («pour le fun» si j'ose dire, et aussi pour les citer éventuellement, à l'occasion), jusqu'à ce que je me rende compte que ce n'était pas la peine : il y en avait à toutes les pages.

Allez, un petit florilège pour la route ! (Et avant de passer vite fait à autre chose !) :

«Le destin – nous le façonnons en vivant. Il est le tissu des dieux. Ou la flèche aveugle du hasard.»

«Pourquoi le bonheur ne reste-t-il pas quand il vient à nous pour que nous puissions l'emporter à travers la vie comme la tortue emporte sa maison ?» [C'est chou, n'est-ce pas?!]

« Vous avez toujours dans la vie deux choix possibles, quel que soit le vôtre, vous éprouverez des remords, si vous ne faites aucun choix, vous vous transformerez en une existence à quinze pour cent»

«Tout prend moins de temps, notre savoir progresse, nous avons marché sur la Lune (...) mais tout ça ne suffit pas à rendre l'humanité heureuse»

«Le passé nous nourrissait de sa présence permanente, il nous aidait à garder l'équilibre dans un monde en perpétuel mouvement»

«Mais faut-il se risquer à rêver si jamais nos rêves ne se réalisent ?»

«Celui qui est en quête de lui-même a le pouvoir de voyager entre les univers»

«Parce que le temps passe, il ne s'arrête jamais.»

Etc, etc, etc, etc... !!!

Le meilleur livre étranger de l'année 2022 ? «Le voyage de Paulo Coelho à Disney-Islande» ??!

Mais où sont les lecteurs qui penseraient (à peu près) les mêmes choses que moi à propos de cette lecture? Les critiques ? Rien, nada, personne, ni sur ce site, ni ailleurs: fumée et fumée et fumée... !
Je me sens terriblement seul...

On ne peut, après tout ça, à moitié sonné et sidéré, qu'adhérer au vieux Pavel Vilikovsky, quand ce dernier constatait avec pessimisme que «les livres ne sont plus aujourd'hui que des passe-temps comme les mots croisés, les jeux de carte et les broderies avec patron. Et quand auront disparu les derniers joueurs de cartes et les dernières brodeuses, les élèves feront des excursions scolaires pour admirer les livres dans les musées».

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