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EAN : 9782246827993
608 pages
Grasset (05/01/2022)
4.07/5   1036 notes
Résumé :
"Même en plein soleil nous abritons en nous des vallées de ténèbres. Est-ce le prix à payer pour être humain ?"

Égaré dans les fjords loin de Reykjavík, un homme a perdu la mémoire. Dans le village où il s'est arrêté, tous semblent pourtant le connaître. Petit à petit, les récits qui lui sont faits le plongent dans la grande histoire d'une famille. Du XIXᵉ siècle à aujourd'hui, chaque destin est comme une tentative d'échapper à l'immuabilité de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (197) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1036 notes
« Même en plein soleil nous abritons en nous des vallées de ténèbres. Est-ce le prix à payer pour être humain ? Peut-être ».

Avec « Ton absence n'est que ténèbres », Jon Kalman Stefansson signe un dernier opus singulier et intime dans lequel la tendresse et l'amour du monde le dispute à la dureté et l'inéluctabilité de la mort.

Il prend pour point de départ un homme dans une église au fin fond d'un fjord de l'ouest de l'Islande, qui ne se souvient de rien, qui ne sait plus qui il est, ni pourquoi il se trouve là. Nous sommes à l'été 2020. L'ensemble de sa vie et de ses souvenirs semble avoir été effacé de manière radicale. Mais pas l'amour comme il le sentira peu à peu. Celui-ci va rencontrer des gens, et en l'occurrence deux soeurs, qui semblent le reconnaitre, leurs confessions, leurs discussions vont lui permettre d'apprendre, ou plutôt de réapprendre, la vie des habitants, leurs histoires respectives, la mort qui les a frappés, de reconstituer le puzzle sociétale et historique de ce coin du monde alors que ses pièces de mémoire ont disparu. Une part belle est faite à la vie islandaise, rude et simple, dans le fjord, loin de la capitale Reykjavík. L'homme, qui n'a pas avoué à ses interlocuteurs son amnésie, est dans une telle qualité d'écoute que chaque personne rencontrée va au bout de ses confessions, en toute honnêteté, chacune d'elle ose s'aventurer parmi les ombres, « elle semblait même apprécier de plonger dans les ténèbres. Il n'y avait entre ses mots aucun blanc, aucune hésitation, ses phrases étaient tels de longs trains qui s'avançaient sur les voies, les wagons solidement accrochés les uns aux autres, entrainés par une force titanesque et inébranlable ». Et nous avons l'impression d'être dans ce train.

Le narrateur s'adresse parfois aux défunts et la mort vient alors faucher le texte même, nous laissant pantois. « Tout le monde finit par mourir, les lombrics comme les êtres humains. Etant défunt tu as parcouru plus de chemin. Elle sort. Comment s'y prend-ton pour laisser derrière soi les ténèbres ? Elle sort, et la mort les a tous fauchés ».

L'amour est tout aussi curieusement convoqué, si étrangement ressenti, tout au fond de soi, dans les tripes, malgré l'amnésie le corps vibre et ressent instinctivement :
« Je regarde Soley, commettant là une grave erreur, puisqu'elle a ces maudits yeux, ces cheveux d'ange et cette lèvre supérieure qui repose sur sa soeur comme en un baiser. Sauf qu'elle n'y repose pas en ce moment parce que Soley sourit. J'ai l'impression de sentir un organe dégringoler dans ma poitrine. Espérons que c'est le coeur. J'espère qu'il va sombrer avec armes et bagages, qu'il se mêlera à mes excréments et qu'il s'évacuera la prochaine fois que j'irai à la selle. Enfin débarrassé je me sentirai plus léger. C'est plus simple de vivre sans cet organe. Si ce n'est qu'il ne tombe pas si bas que ça, il atterrit dans mon estomac où il se débat comme un oiseau aveugle et désemparé parmi les galettes au seigle, baignant dans le vin rouge et la bière ».

Notre narrateur écrit sur des feuilles volantes toutes les histoires qu'il entend, tout ce qu'il glane au fur et à mesure de ses rencontres, afin de sortir sa mémoire des ténèbres, conscient aussi que nous ne voyons et ne comprenons bien souvent les événements de nos vies qu'une fois qu'ils sont entièrement révolus, lorsque leur enchainement est arrivé à son terme. Faire la lumière. Sur les vivants et surtout sur les absents. Les sortir des ténèbres. Écrire pour arrêter la course du temps et démêler le fil d'une saga familiale commencée cent vingt ans plus tôt lorsqu'une femme a osé écrire un article sur les lombrics.

Le livre regorge de maximes des plus classiques, des plus philosophiques aux plus poétiques, telles des bouées qui surgissent en un plop étincelant dans le chaos de la découverte du monde qui l'entoure. Des bouées pour ne pas chavirer. Des petits cailloux qui ponctuent le texte pour retrouver le chemin de la mémoire. Autres petits cailloux semés, des chanteurs tels Dylan, Nick Cave, ou des auteurs comme Zola, Hölderlin, Dante, Homère, Kierkegaard, nous éclairent de leur lumière dans ce texte dense et touffu.

Ce livre exigeant se déguste, telle une tasse de café, breuvage qui aide les gens à survivre dans ce paysage âpre et rude, toujours très présent dans les livres de Jon Kalman Stefansson et qui se trouve une nouvelle fois honoré dans ce livre. Il se lit parfois à voix haute. Il faut prendre son temps pour cette plongée totale en terres islandaises et en réflexions existentielles. Stefansson a une manière de raconter singulière, complètement atypique, entre le conte écrit et la transmission orale, nous livrant l'histoire d'une saga familiale islandaise de façon surprenante, en nous perdant parfois tant du fait des détails, des longueurs que des prénoms islandais que je finissais par mélanger, mais en nous remettant sur le chemin toujours, c'est un récit où passé et présent sont mêlés, où les morts sont parmi les vivants. « Évidemment que ce fjord est hanté parce que nous avons toujours été si peu nombreux à vivre ici que nous sommes réticents à laisser les défunts le quitter». C'est un livre qui fait émerger de nombreuses questions sans apporter nécessairement de réponses, car Jon Kalman Stefansson nous le dit tout au long du livre, parfois les questions sont la vie et les réponses la mort.

Laissez-vous envelopper par ces phrases magnifiques, bercer par ces histoires incroyables, éblouir par ce paysage de contes vikings, ce livre ambitieux, original, lumineux a le don d'interrompre le court du temps. Un livre qui nous conduit des profondeurs de l'humus avec les lombrics jusque dans les ténèbres entre les étoiles où l'homme découvre la clé des grands secrets. Ascenseur émotionnel qui souvent nous fait sourire.

« Un sourire embellit la plupart des gens. Il illumine leur visage. Un sourire est une épice, un onguent, une joie, une porte qui s'ouvre ».
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Cher Monsieur Stefansson,

Je sais, c'est idiot, je ne devrais pas commencer comme ça, pas dire ces mots-là, me centrer sur votre livre, et c'est ce que je ferais sans doute dans un instant.

Mais permettez-moi juste un aveu, Monsieur Stefansson, la lecture de votre roman m'a peut-être coûtée mon couple. Ou bien comment doit-on dire lorsque la personne avec qui vous vivez vous laisse pantoise, seule, avec votre livre entre les mains ?

Je n'aurais pas dû. Pas dû me relever la nuit pour poursuivre cette lecture. Pas dû continuer toute la journée sans voir passer les heures, alors qu'il était temps de « profiter des vacances », de préparer le repas, de vaquer à toutes les occupations que vous proposent gentiment les villes qui vous accueillent. Je suis désolée, je n'aurais pas dû.

Pas plus que je ne devrais m'appesantir sur ces quelques phrases, que je devrais me précipiter pour parler des histoires de ces femmes et de ces hommes au nom imprononçable, vivant à l'autre bout de notre planète, alors que je suis là, bêtement, votre livre à la main, et seule alors que la porte vient de claquer.

C'était peut-être le livre de trop.

Ou bien, comme me le suggérait la personne avec qui j'étais censée partager mon quotidien, peut-être que oui « les femmes qui lisent sont dangereuses », effectivement, comme cela m'a été dit ce matin.

Passe encore qu'il faille me déposer régulièrement à la bibliothèque pour faire le plein, passe encore que je doive passer du temps sur les écrans pour partager mes coups de coeur, il fallait encore que je tombe sur vous, Monsieur Stefansson, et que je ne puisse rien faire d'autre que de vous lire jusqu'au bout.

Il faudrait donc que je parle ici de Peter le pasteur et de Gudridur, de Haraldur et Aldis, d'Hafrun et Skuli, de Soley, d'Asi et Mundi, de Svana, de Kari, d'Odi, de Margret qui apparaît en songe à Runa, ou d'Eirikur le guitariste, de Pall, d'Halldor et de Skuli, il faudrait que je parle d'un diable qui surgit à tout moment, interrompant un récit qu'on voudrait tellement entendre se poursuivre, mais je suis désolée, Monsieur Stefansson, mais je vais avoir du mal à parler de votre « Ton absence n'est que ténèbres » d'une seule traite.

Car voyez-vous, à cause de vous, je suis bien embêtée. Il va falloir sans doute qu'à cause de vous je me décide à faire mon portrait sur l'un de ces sites miraculeux promoteurs de relation amoureuse, et comment vais-je faire pour apparaître sous mon meilleur jour ? Et si, miraculeusement, j'en venais à avoir un premier rendez-vous, que dirais-je à la personne face à moi pour justifier d'être seule dans une société où tout doit s'expliquer ?
Je ne pourrais jamais dire que c'est à cause d'un livre – personne ne me croirait.
Je ne saurais même pas par quel bout commencer pour dire de quoi parle le livre d'ailleurs, et je m'emberlificoterai les pinceaux comme je le fais à cet instant, toute en digression, au lieu de dire tout le bien que je devrais de votre récit.

Mais voilà, c'est plus fort que moi. J'ai dû attraper votre virus.
Notez d'ailleurs que je vais vous faire un aveu – encore un, me ferez-vous remarquer.

Je vous ai déjà vu. Vu pour de bon. Oh, certes, pas en tête-à-tête, ne rêvons pas trop, mais entendu dans une grande salle parler de l'un de vos précédents livres que j'avais lu religieusement. Je me souviens surtout de votre démarche. de la façon dont vous avez glissé le long des rangs où je me trouvais pour vous approcher de l'estrade. Oui je sais : c'est idiot mais je me souviens surtout de votre démarche pour aller jusqu'à l'estrade.
Je ne devrais pas le dire, ni pas plus l'écrire. Ou bien, rêvons encore une minute : et si cette minuscule chronique, pouvait vous atteindre – non, je ne pense pas que Babelio soit connu en Islande, c'est trop loin, lorsque vous êtes venus jusqu'à moi pour que je vous écoute vous étiez à des milliers de kilomètres de chez vous.
De mon côté, l'Islande je n'y ai jamais mis les pieds, juste vu des reportages, ou plutôt si, je devrais vous avouer encore quelque chose – pardon, une dernière fois, je sais que j'abuse et je ne voudrais surtout pas vous lasser – j'ai le souvenir d'un rêve très lointain, que j'ai fait quand j'étais toute petite mais dont je me suis souvenue longtemps, rêve d'un paysage que beaucoup plus tard j'ai appris à nommer « fjord », et j'étais à bord d'un grand bateau, à l'avant, et je me laissais couler le long de la coque vers le fond de cette eau sans fin.

Je rêve donc. Non pas que cette 80ème chronique sur votre livre – tout a déjà été dit par les Babeliotes, bien plus loquaces que moi, sur la qualité de votre écriture – ne mérite qu'on s'y attarde, et comme vous ne connaissez pas Babelio, aucun risque que vous la lisiez un jour, à moins, que, une très infime probabilité, mettons une chance sur un million peut-être, un éditeur, à court d'idées, et qui tombe par hasard sur ces quelques mots, et veuillent les traduire en objet – je sais je suis en plein rêve, mais c'est à cause de votre livre – oh non pas un grand éditeur, pas une maison d'édition avec de grands auteurs comme ceux qu'on invite à la Grande Librairie ou dont on parle dans les grands journaux, non, une toute petite maison d'édition, qui ferait de ces quelques lignes un bel objet relié à la main, qui se vendrait un euro sur les marchés, de la littérature locale en quelque sorte, coincée entre les tomates et le saucisson. Et si ce petit objet pouvait voguer jusqu'au nord de notre Europe, telle une bouteille à la mer, et que quelqu'un le découvre ...
Je digresse, j'en conviens.

Il faut revenir à votre récit ou plutôt à vos récits, vous qui avez le talent du charmeur de serpent : vous nous appâtez, vous nous faîtes croire que l'amour peut survenir entre deux personnes que tout oppose – un pasteur et une paysanne illettrée par exemple – et il faudrait qu'on vous suive, et en plus vous vous arrêtez au meilleur moment.
C'est affreux.
Vous nous piégez, Monsieur Stefansson, et à cause de vous des couples se disputent et se déchirent alors qu'il y a tant à faire à l'extérieur.

J'imagine encore un truc – promis c'est le dernier, mais c'est de votre faute aussi, vous nous faîtes croire à l'improbable, et en plus vous nous mettez une musique de Tom Waits, Ella Fitzgerald ou David Bowie en fond sonore, et on ne peut que vous suivre, c'est très injuste ce que vous faîtes.

Alors j'imagine que je vous rencontre un jour pour de vrai, pas dans une conférence comme lorsque je vous ai entendu, mais en tête-à-tête, un truc totalement improbable encore, allez je dirais une chance sur un milliard cette fois-ci, mais voilà vous nous avez fait croire que rien n'était impossible dans votre récit, alors j'extrapole.

Mais que vous dirais-je dans ce cas ? Je serais aussi muette qu'au premier rendez-vous avec un jeune cadre dynamique après avoir posté mon portrait sur un site de rencontre. Je me tiendrais là, les bras ballants, ou plutôt avec une tasse de thé dans la main, et déjà je pense que notre rencontre démarrerait très mal, parce que certainement vous aimez le café comme les litres que vous faîtes boire à vos personnages - celui du Pasteur notamment, servi par Gudridur qui n'en croit pas ses yeux – mais a-t-on idée de s'appeler avec des noms pareils ? – et moi je n'aime pas du tout le café : vous voyez ? ça ne collerait absolument pas entre nous, et je n'aurais rien à vous dire parce que tout est dit là et qu'il est grand temps de refermer cette chronique.

Bon, j'en termine donc, moi qui n'ai jamais l'habitude d'écrire si long - mes amis Babeliotes vous le confirmeront.

Vous m'avez écrit « Vous prenez une décision, un tel sombre dans le désespoir, un autre embrasse le bonheur, mais il y a toujours un tribut à payer. Vous ne prenez aucune décision et vous voilà paralysé ». Et je vous en remercie de m'avoir écrit ces simples mots.

Et vous avez terminé par « Et maintenant que je t'ai vue sourire, que va-t-il advenir de moi ? »

Je dirais juste, pour terminer, et encore pardon d'avoir été si longue
Et maintenant que j'ai fini « Ton absence n'est que ténèbres », que va-t-il advenir de moi ?
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A l'été 2020, dans un fjord de l'ouest de l'Islande, un homme s'éveille sur un banc dans une petite église. Il ne comprend pas ce qu'il fait là, il ne se rappelle pas comment il est arrivé dans cet endroit. Pire, il ne se rappelle pas qui il est, il ne sait même pas s'il rêve, s'il est mort ou vivant.
En sortant de l'église, il découvre dans le cimetière une pierre tombale portant l'inscription « Ton souvenir est lumière, et ton absence ténèbre ». Toujours aussi perdu, il y rencontre une femme, qui le reconnaît. L'inverse n'étant pas vrai, l'homme comprend qu'il est amnésique, mais n'en dit rien et fait semblant, tentant de donner le change. Il rencontre ensuite la soeur de cette femme, puis d'autres personnes qu'il est censé connaître mais dont il ne se souvient pas. Au fil des conversations avec les uns et les autres, il assemble peu à peu les tranches de vie et reconstitue la généalogie d'une saga familiale. Une histoire qui en réalité a débuté 120 ans plus tôt, lorsqu'une femme du peuple a osé écrire un article sur le lombric, ce « poète discret oeuvrant dans la nuit de la glèbe », et qu'elle a osé l'envoyer à une revue scientifique locale qui décide de le publier. Cette femme ne se doutait pas alors qu'elle allait dévier le cours du destin.
Au début tout est nébuleux et flou pour le narrateur (et pour le lecteur), mais peu à peu les morceaux d'histoire s'imbriquent les uns dans les autres et chaque génération prend sa place sur l'arbre généalogique. Les ténèbres s'éclaircissent peu à peu pour le narrateur, sans disparaître complètement. Il est beaucoup question de perte, de deuils, de tristesse, de stagnation, d'ombre et de mélancolie, de sacrifices et de renoncements. Mais tout est dans tout et chaque revers a sa médaille, alors on trouve aussi dans ce roman de la lumière douce, du bonheur tendre, de l'amour, du désir, du sexe, de l'humour et de la joie, du mouvement et de la vie. Et de la poésie, des lettres envoyées ou pas, même aux morts, des coups de téléphone et des e-mails qui arrivent à temps ou non. On croise Zola, Hölderlin et Kierkegaard, des réfugiées syriennes, des touristes japonais, des moutons, des chiens et un chat qui a le mal des transports. On y tire à la carabine sur des poteaux ou des camions, on s'y soûle sous les étoiles et surtout on entend beaucoup de musique avec la « compilation de la Camarde », parce que « le désir le plus brûlant de la mort est d'embrasser la vie, mais chaque fois qu'elle se risque à l'étreindre, elle l'anéantit. C'est là sa plus grande douleur, une douleur que seule la musique a le pouvoir d'atténuer ».
« Ton absence n'est que ténèbres » est un roman un peu déroutant au début parce que sa narration n'est pas chronologique. Mais on apprend très vite à relier les fils entre eux, et la lecture devient alors addictive. Tous les mystères ne seront pas résolus à la fin, on ne saura pas tout, mais c'est sans doute mieux comme ça, parce que: « Celui qui sait tout ne peut pas écrire. Celui qui sait tout perd la faculté de vivre, parce que c'est le doute qui pousse l'être humain à aller de l'avant. le doute, la peur, la solitude et le désir ».
Un brin onirique et très nostalgique, ce roman raconte avec un souffle impressionnant des histoires d'amour sublimes et questionne les thèmes de la mémoire, de la transmission et des choix (ou de l'absence de choix) qui déterminent une vie (« On doit toujours choisir de deux choses l'une, mais qu'importe celle que vous choisissez, cela créera toujours un trou noir quelque part. Dans ce cas, comment vivre? »).

« Ton absence n'est que ténèbres » est un de ces rares romans dans les phrases duquel on a envie de s'enrouler tellement l'histoire et l'écriture sont belles, dont on n'a pas envie de sortir tellement on s'y sent bien même si on est heureux et triste en même temps. Coup de coeur pour ce livre ambitieux, lumineux, déchirant, bouleversant, magnifique.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Tonabsencenestqueténèbres #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Pas une mince affaire ce livre de 600 pages, mais attention, écrites en tout petit ! et qui ne se lisent pas très vite …. Un vrai cauchemar même ces 300 premières pages, après plus de 2 semaines, j'ai jeté l'éponge, le bébé et l'eau du bain … Finalement, prise de remords, j'ai quand même gardé le bébé et l'ai mis bien au chaud pendant une dizaine de jours. Bah oui, j'avais d'autres lectures sur le feu moi, et je n'avais pas envie de payer des amendes de retard à la médiathèque... tout ça pour un obscur (enfin ténébreux) écrivain islandais. Bref, quand j'ai repris le bébé, il avait finalement bien grandi tout seul, et on a repris notre conversation là où on l'avait laissée…
Cette pause a été bénéfique car les 300 pages suivantes sont passées assez facilement, le recul m'a permis de me mieux cerner ce livre déroutant par sa structure narrative. Comme une voix-off, un narrateur retrace une saga familiale sur plus d'un siècle mais d'une façon complétement désordonnée ; on réalise des allers-retours incessants entre les époques, les personnages, et ce fameux narrateur est également une énigme en lui-même puisqu'il nous avoue dès le début avoir perdu la mémoire et ne plus savoir qui il est. L'auteur n'est pas là pour nous faciliter la tâche, vous voilà prévenus …
Si je m'étais arrêtée aux 300 premières pages et écrit mon ressenti à chaud, j'aurais été en colère avec l'impression très nette de m'être fait duper par l'auteur avec des histoires sans queue ni tête qui se superposent, avec des personnages qui portent de surcroît des noms à coucher dehors (en tout cas, je n'en donnerai pas à un seul au bébé) et à moins de prendre des notes, il est difficile au début de s'y retrouver (et je n'aime pas prendre des notes quand je lis).
Au niveau du style, je n'ai pas été vraiment séduite par les nombreux passages dans lesquels l'auteur malaxe une même idée dans tous les sens et nous la ressert sur plusieurs paragraphes (ça m'a donné l'impression qu'il prenait ses lecteurs pour des idiots), parfois sans même de faire l'effort d'une périphrase, en faisant juste un copier/coller ! (la périphrase semble fatiguer legrandécrivain). de même, l'utilisation du mot ténèbres à toutes les sauces dans les 300 premières pages m'a insupporté. C'est même devenu une sorte de jeu dans lequel je guettais la nouvelle occurrence du mot dès une nouvelle page tournée.
Si le début a été plus que douloureux, et a frisé l'abandon, la deuxième partie finit par prendre sens. L'histoire de Gudridur m'a aidée à tenir le coup, c'est celle dont j'ai le plus aimé l'atmosphère, les descriptions de l'époque et des relation hommes-femmes. J'aurais eu un vrai coup de coeur pour ce livre si la seule histoire contée avait été celle de Gudridur.
L'ouvrage a par ailleurs de nombreuses qualités ; Jón Kalman Stefánsson nous livre la vie très dure de fermiers islandais, perdus dans leur fjord sur un bout de lande, luttant sans cesse pour leur pauvre survie. Leurs amours, leurs conditions de vie sont magnifiquement décrites. La mise en abyme avec ce narrateur en surplomb qui écrit l'histoire s'avère finalement assez intéressante, alors qu'elle m'avait déroutée et agacée au début.
Un livre original, étrange, complexe, qui ne m'a pas complètement convaincue et aurait gagné en force à être plus simple. Sans être forcément chronologique, il aurait été plus lisible en se centrant sur quelques personnages. Des passages sont bouleversants, profonds, et je me suis régalée dans la pêche aux citations, mais la puissance du récit se dilue dans les redites, les digressions et les innombrables personnages secondaires sans grand intérêt surtout dans les 300 premières pages.
Je dirais qu'il faut prendre son temps pour apprécier cette lecture, la laisser infuser, la reprendre, et, là, peut-être, le charme opérera, vous transportera en terre islandaise avec l'envie de l'apprivoiser …
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C'est un roman étrange, à la narration atypique, ce qui n'est pas surprenant pour les amateurs de l'auteur.
Un homme se réveille dans une église au bord d'un fjord perdu en Islande, « un fjord situé à la limite du monde habitable, un fjord où ne vit presque personne et où si peu d'événements se produisent en hiver que les gens sortent, armés d'une carabine, pour tirer sur les poteaux des clôtures ».
Il ne sait pas pourquoi il est là, comment il y est arrivé, et plus grave il ne sait plus qui il est.
Les habitants de cet endroit le connaissent, ceux qui y sont depuis des années en tous cas. Il n'ose révéler son amnésie et les pousse à lui raconter des histoires pour essayer de comprendre. Ces histoires s'enchainent, sans ordre apparent, mettant en jeu de nombreux personnages. Cela semble un peu décousu au départ, et puis les différents pans d'une saga familiale se mettent en place : tout a commencé par une histoire de lombric, il y a plus d'un siècle.
Au-delà de l'histoire elle-même, fascinante, et de sa mise en place déroutante et pourtant addictive, j'ai aimé l'atmosphère et les mots de ce livre. Jon Kalman Stefansson est un conteur-né, à l'écriture poétique, qui nous parle autant des hommes que des poissons, des moutons ou des chevaux :
« Certains chevaux sont peinés de voir les hommes pleurer, mais ils n'ont pas de bras pour les réconforter et c'est pour cette raison que leurs grands yeux, parfois, s'emplissent de tristesse. »
Il nous parle de mort, de deuils, de pauvreté, de vies âpres et difficiles, mais aussi d'amour, de rires, de musique et de lumière. Il décrit des femmes et des hommes, des paysages, des vies de son écriture évocatrice, inventive qui fait surgir mille images dans notre esprit.
Un roman où le rêve, le passé se mêlent à la réalité d'aujourd'hui, où les morts sont aussi présents que les vivants :
« Évidemment que ce fjord est hanté parce que nous avons toujours été si peu nombreux à vivre ici que nous sommes réticents à laisser les défunts le quitter »
La musique rythme ce livre, celle de la compilation pour la Camarde, qui se construit tout au long de ces histoires et celle des mots, les mots des chansons et ceux de l'auteur toujours justes, peignant tout aussi magistralement les paysages et les sentiments, les femmes et les hommes, la mort et la vie.
Un roman magnifique, lumineux, riche de tant d'histoires, de tant de réflexions, de tant de thèmes qu'il est difficile de lui rendre justice dans un simple billet. Un roman dans lequel j'aurais pu relever une citation à chaque page tant l'écriture est belle.
En deux mots, lisez-le.
Merci aux éditions Grasset pour ce partage #Tonabsencenestqueténèbres #NetGalleyFrance
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critiques presse (12)
LeSoir
13 mars 2023
Amnésique, l’homme reprend pied dans une église, dévore en belle compagnie un pique-nique au milieu des tombes avant de gagner l’hôtel où une autre jeune femme l’accueille avec sa bière préférée, une Leffe brune. Qui est-il ?
Lire la critique sur le site : LeSoir
Telerama
13 février 2023
On pourrait suggérer, pour commencer, que le roman de l’Islandais Jón Kalman Stefánsson est une histoire de mémoire perdue, de délicate balance entre le destin et le hasard, l’amour et la perte, le désir de partir et l’envie de rester.
Lire la critique sur le site : Telerama
OuestFrance
16 janvier 2023
Après le succès d’« Asta », le romancier islandais livre une saga ambitieuse, enjambant les époques et fourmillant de personnages. Un style inoubliable.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Bibliobs
04 mai 2022
Dans le beau « Ton absence n'est que ténèbres », l'auteur décrit avec beaucoup de souffle la ronde des générations soumises au grand cirque des éléments.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
SudOuestPresse
03 mai 2022
L’Islandais Jón Kalman Stefánsson fait preuve d’un éblouissant lyrisme en racontant l’histoire de gens simples vivant près d’un des plus beaux fjords de ce pays insulaire.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LaPresse
22 avril 2022
Peu d’écrivains ont le talent de l’Islandais Jón Kalman Stefánsson pour narrer la vie rurale à la lisière du monde.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeDevoir
16 février 2022
Hanté par la métaphysique, émouvant ou confondant, Ton absence n’est que ténèbres, comme la plupart des livres de Jón Kalman Stefánsson, fait ainsi se chevaucher les destins et les époques, enchaîne réflexions et dialogues, assaisonnés ici des paroles de Bob Dylan, de Leonard Cohen, des Beatles ou de Tom Waits.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaTribuneDeGeneve
07 février 2022
Sur le bateau ivre de son imagination, ce romancier au long cours embarque sans trop savoir où l’amour le mènera.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LaCroix
07 février 2022
Poète depuis toujours, l’écrivain islandais impose, roman après roman, une œuvre puissante et lyrique, dont le nouveau titre entraîne dans la vie d’un fjord de l’ouest de l’Islande.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Telerama
21 janvier 2022
Auteur exigeant qui aime se glisser entre le rêve et la réalité, bousculer les chronologies et les certitudes, Jón Kalman Stefánsson plonge le lecteur dans un pays d’une beauté ténébreuse, aux côtés de personnages qui apprennent à aimer, perdre, partir, revenir, sans jamais se figer dans des certitudes.
Lire la critique sur le site : Telerama
LePoint
13 janvier 2022
C’est un tsunami d’émotions, une lecture qui console de toutes les peines tant c’est bonheur de vivre la douleur comme la joie sous sa plume.
Lire la critique sur le site : LePoint
LaLibreBelgique
12 janvier 2022
L’écrivain islandais Jón Kalman Stefánsson poursuit une œuvre toujours stupéfiante de beauté, de maîtrise, de poésie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (466) Voir plus Ajouter une citation
Celui qui sait tout ne peut pas écrire. Celui qui sait tout perd la faculté de vivre, parce que c’est le doute qui pousse l’être humain à aller de l’avant. Le doute, la peur, la solitude et le désir. Sans oublier le paradoxe. Vous ne savez pas grand-chose, en effet, mais quand vous écrivez, votre regard a le pouvoir de traverser les murs, les montagnes et les collines. Vous assistez à la division des cellules, vous voyez le président des États-Unis trahir sa nation, vous entendez les mots d’amour murmurés à l’autre bout du pays, les sanglots qu’on verse dans un autre quartier de la ville. Vous voyez une femme quitter son mari, et un mari tromper sa femme. Vous entendez le sanglot du monde. C’est votre paradoxe, votre responsabilité et votre contrat. Vous ne pouvez pas vous y soustraire et vous n’avez d’autre choix que de continuer.
À écrire ?
Oui, quoi d’autre ? Écrivez, et vous pourrez aller à cette fête donnée en l’honneur de Páll d’Oddi, d’Elvis et pour célébrer la vie.
Écrivez. Et nous n’oublierons pas.
Écrivez. Et nous ne serons pas oubliés.
Écrivez. Parce que la mort n’est qu’un simple synonyme de l’oubli.
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C’est une loi fondamentale. Vos gènes charrient vos émotions, souvenirs, expériences et traumatismes d’une vie à une autre, et dans ce sens, certains d’entre nous sont vivants longtemps après leur disparition, y compris lorsqu’ils ont sombré dans l’oubli. Nous portons perpétuellement en nous le passé, continent invisible et mystérieux qui affleure parfois, quelque part entre le sommeil et la veille. Un continent dont les montagnes et les océans influent en permanence sur les couleurs du temps et les chatoiements de lumière que nous abritons.
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La vie a tendance à ralentir en l'absence totale de vent, elle tient à profiter du moment, à s'en imbiber. A se gorger de ce fjord où la surface de la mer est si lisse qu'elle se change en miroir et que les ceintures rocheuses des montagnes s'adoucissent comme si leur fureur n'était plus qu'un songe lointain. Les montagnes réfléchissent en siècles et c'est quand il n'y pas un souffle d'air ou lorsque la tempête se déchaîne qu'on perçoit le mieux la manière dont elles pensent.
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Le cimetière est manifestement plus vieux que l'église car les tombes les plus anciennes ne sont plus que de grosses mottes d'herbes anonymes sous lesquelles reposent des gens oubliés depuis longtemps, cette herbe verte attrape les rayons du soleil et les leur envoie au fond des ténèbres. Peut-être est-ce quelque part une consolation.
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Hélas, celui qui ne se confie jamais à personne se change lentement et sûrement en mollusque. Il avance lentement à travers la vie, recroquevillé dans sa coquille, enroulé autour de lui-même – et toutes ces choses importantes qu’il n’évoque jamais finissent par se confondre avec cette coquille, elles s’épaississent, elles durcissent au fil des ans comme une carapace qui empêche les autres de l’atteindre, et lui barre la route vers autrui. Cette coquille devient à la fois refuge et prison. Veut-on vivre ainsi ? Veut-on mourir ainsi ?
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Vidéo de Jón Kalman Stefánsson
Jón Kalman Stefánsson vous présente son ouvrage "Mon sous-marin jaune" aux éditions Bourgois. Rentrée littéraire janvier 2024.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2980041/jon-kalman-stefansson-mon-sous-marin-jaune
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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