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Critique de lebelier


La famille Joad, comme beaucoup d'autres, doit quitter les terres qu'elle occupe en Oklahoma. Faute de pouvoir rembourser leur emprunt bancaire, les familles sont contraintes par les financiers de céder leur bail pour une culture plus rentable, celle du coton. Or l'on sait que le coton ruine les terres et ne peut qu'être planté une fois à un même endroit, on envisage déjà l'idée de profit à court terme que l'utilisation du tracteur, vu comme un Moloch qui dévore le gagne-pain des pauvres, vient renforcer. Voilà donc la famille Joad partie vers la Californie- Eldorado, avec armes et bagages, enfants et grands parents, tous personnages hauts en couleurs, personnalités fortes et humaines à la fois. Ainsi Tom, qui sort juste de prison pour avoir tué un homme au cours d'une rixe, en état de légitime défense, ce grand père « Grampa », figure tutélaire de la terre abandonnée et qui au dernier moment refuse de partir :

This here's my country. I b'long here. An' I don't give a goddamn if they's oranges an' grapes crowdin' a fella outa bed even. I ain't a going. This country ain't good but it's my country. (103)
(Ici, c'est mon pays. C'est d'là que je viens. Et qu'est-ce que j'en ai à foutre s'il y a des oranges et des raisins qui débordent des lits ! Je pars pas. Ce pays est pas bon mais c'est mon pays.)

et bien sûr, au centre de tout ce petit monde, trône Ma, mère courage qui a toutes les qualités de la pionnière et qui secoue ceux qui geignent sur leur sort ou qui se laissent aller un peu.
Car la famille Joad, le moins qu'on puisse dire, n'a guère de chance, et se retrouve même dans une mouise noire. Car bien sûr, la Californie ne se révèle pas être le rêve escompté, les propriétaires de vergers censés les employer ont envoyé plus de tracts qu'ils n'avaient besoin de main d'oeuvre et peuvent ainsi baisser les paies comme bon leur chante, et tous ceux qui trouvent ce procédé révoltant sont soupçonnés d'être des « rouges » et sont vite embarqués par la police. La police justement, qui, les Joad le répètent , est plus source de trouble que de maintien de l'ordre, provoque violemment et embarque les « agitateurs ».
Dans ce contexte de crise économique où les pauvres ne vivent plus mais survivent avec ce qu'il leur reste, une vieille voiture reconvertie en pickup qu'il faut réparer souvent en cours de route, qui mange de l'essence mais qui finalement reste l'ultime rempart contre l'adversité. En ce sens, le scènes de mécanique avec Al, qui rêve d'avoir un garage et son grand frère Tom, sont des passages d'un réalisme grandiose entre la récupération des pîèces dans une casse et le remontage sur place. Ce roman qui traite d'une Amérique des très pauvres, des travailleurs à la merci des financiers est d'une rare actualité. On pense au récents déboires du crédit au USA, aux travailleurs Mexicains, aux chansons de Tom Waits ou de Bruce Springsteen qui intitula un de ses albums, justement, « The Ghost of Tom Joad »(Le fantôme de Tom Joad)(1995). La solidarité est de mise plus que la concurrence, la cupidité étant de l'autre bord comme l'affirme Ma:
“I'm learnin' one thing good,” she said. “Learnin' it all a time, ever' day. If you're in trouble or hurt or need – go to the poor people. They're the only ones that'll help – the only ones.” (345)
(« Je suis entrain d'apprendre une bonne chose, dit-elle, et je l'apprends toujours un peu chaque jour. Si tu es en difficulté, meurtri ou dans le besoin – va vers les pauvres. Ce sont les seuls qui t' aideront – les seuls. » )
En achetant les terrains, les banquiers créent des esclaves pour le profit, qui, comme de nos jours, est destiné à une abstraction, ce qu'on veut être une abstraction. En fait ils achètent des hommes, misent sur leur vie entière ainsi que le précise Tom :

You're buying years of work, toil in the sun ; you're buying a sorrow that can't talk. But watch it, mister.
(Vous achetez des années de travail, de labeur au soleil; vous achetez un chagrin qui ne peut s'exprimer. Mais faites gaffe, monsieur.)

Mais, d'un point de vue plus littéraire, les raisins de la colère raconte une épopée biblique, allégorie du passage vers la mort attestée par le voyage vers l'ouest où les protagonistes, chassés de leur eden d'origine participent à un exode pour finir au déluge. le style se rapproche de la Bible : répétitions des vérités ressassées comme pour s'en convaincre mais mâtinées d'une langue populaire, qui dans la version originale doit être un calvaire pour les débutants. de fond en comble un roman d'une très grande facture (sociale ?)
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