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Critique de afriqueah


« A dix heures quarante-cinq, tout était terminé. La ville était occupée, les défenseurs étaient décimés, et la guerre était finie. »
John Steinbeck , avec humour pour stigmatiser l' occupation d'un village isolé dans les glaces comme fin de la guerre, se tourne dans un premier temps vers les petites manies des occupés :
-Joseph, le valet du maire, pour qui les chaises se doivent d'occuper la place adéquate « il regardait de travers le mobilier, comme pour y surprendre une insolence, une malice, ou de la poussière ».
-La femme du maire, qui elle, considère qu'elle a créé son mari, que donc il lui appartient, et qu'elle doit pour cela- au diable les envahisseurs et la reddition ! – lui épiler les oreilles.
Cette présentation caustique de « Lune noire » laisse la place à une réflexion sur la guerre, sur les rapports entre occupants (les allemands) et les occupés( probablement les norvégiens), la peur de chaque clan, l'impossibilité de vivre tranquillement, la difficulté pour les premiers de prendre des décisions : Fusilier un coupable, en faire un exemple en forçant le maire à se compromettre, obliger la population à assister au meurtre, exiger de ne rencontrer aucune rébellion et pour les seconds, lutter sans en avoir l'air, silencieusement, âprement, contre les nazis qui ont besoin de poissons et de charbon, et pour ça, affament ceux qui ne veulent pas travailler pour eux.

Comme si cette guerre, ces tortures, ces tueries ne rentraient tout de même pas dans l'esprit du village occupé, la future victime qui va être fusillé est, disent les habitants, un brave homme, la preuve en est : « il a offert une grande robe rouge à sa femme pour son anniversaire. »
C'est dire.

Non seulement Steinbeck, en plus de son humour très fin, analyse avec subtilité le fait d'être sous le joug d'un pays ennemi, pour cela il cite le collabo, qui se vend aux allemands parce qu'il convoite tout simplement de prendre la place du maire ; il dresse aussi un portrait du colonel Lanser, l'envahisseur, militaire aussi mesuré que peu propice à penser la guerre en termes romantiques.
Bien sûr, les occupants sont des hommes, après tout, il désirent des filles, des boissons, de la musique, et vivent dans la peur de ne jamais retrouver la vie d'avant. Ils détestent de plus en plus s'être engagés, pour finalement subir la haine des habitants de cet ilot enneigé.
Mais, dit le colonel, « Nous ne pouvons nous occuper de votre âme »

Ce dernier, qui n'admet pas que l'on discute ses ordres, comprend surtout que ses hommes ont été envoyés dans le Nord sans avoir été préparés. « On aurait dû vous préparer à ça, » (à savoir que la vie d'un militaire n'a aucune importance) dit il à un soldat rêvant de gloire à son retour, « et non à des rues parsemées de fleurs. On aurait dû vous forger l'âme avec la vérité, et non vous mener avec des mensonges. …

Puissant livre publié clandestinement en France en 1942, livre maniant l'humour (noir ) évoquant le silence éperdu et engagé des résistants sous le joug de la barbarie, le désappointement des soldats allemands dégoutés de l'intoxication hitlérienne , et même le chien qui hurle sa solitude.
Et se révolte contre le sort qui lui est fait.

LC thématique août : Lire en couleurs
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