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Citations sur L'animal et la mort (6)

…Le poète Lamartine raconte comment ,dans sa jeunesse, il tira sur un chevreuil et vécut une scène semblable à celle décrite par notre informateur au début de ce chapitre :

“Le pauvre et charmant animal n’était pas mort. Il me regardait, la tête couchée sur l’herbe, avec des yeux où nageaient des larmes. Je n’oublierai jamais ce regard auquel l’étonnement la douleur, la mort inattendue semblaient donner des profondeurs humaines de sentiment ,aussi intelligibles que des paroles: car l’œil a son langage ,surtout quand il s'éteint.
Ce regard me disait clairement ,avec un déchirant reproche de ma cruauté gratuite : Qui es tu? Je ne te connais pas, je ne t’ai jamais offensé. Je t’aurais aimé peut-être ; pourquoi m’as-tu frappé à mort? “
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Nous nourrissons nos animaux-enfants de la chair et du sang de nos animaux-matière. La déshumanisation des conditions de vie de nos anciens animaux de ferme n’est pas en contradiction avec la personnification de nos animaux de compagnie. Elle en est la condition de possibilité.
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Parmi ces compétences, notre pénétration des mondes mentaux de nos proies est si profonde qu'elle en paraît presque déloyale. Il y a toutefois un inconvénient à cette arme : se mettre à la place des animaux peut rendre leur mise à mort difficile. Sur tous les continents, les chasseurs-cueilleurs établissent des rapports d'identification, de partage de substances et de socialité avec les animaux. Mais comment alors se nourrir de la chair d'êtres si semblables à moi? Partout, la mise à mort des animaux et la consommation de leur chair s'envi-ronnent de traitements rituels, de compensations, de justifications et de mythes pour que la chasse soit autre chose qu'une dévoration destructrice et cruelle. L'homme vit avec cette contradiction intime qui parfois le déchire : il est un predateur empathique.
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Au cours de cette enquête, il nous est apparu que l'enjeu véritable du conflit entre les veneurs et leurs détracteurs n'est pas tant la défense des cerfs ou de la forêt que l'affrontement de mises en scène différentes du rôle de l'homme dans la nature. La sensibilité animaliste promeut une attitude empathique fondée sur l'attention à la souffrance de chaque animal, individu unique et irremplaçable. De ce point de vue, la mort de tout animal revêt une dimension tragique qui interdit à l'humain, seul être de la nature conscient de cette tragédie, de la provoquer volontairement. L'homme se distingue du reste du vivant par cet impéracif moral de protection et de sauvetage auquel ne sont pas tenues les autres espèces.
La sensibilité des adeptes de la vénerie met l'accent non sur l'indi-vidu, mais sur les relations éco-éthologiques entre les espèces vivantes, invoquant la réalité de la prédation et de la mort dans la nature. Ils envisagent l'humain comme un prédateur parmi d'autres, intégré à un grand cycle de vie et de mort. Ils s'opposent à une vision de la nature dont l'humain serait exclu, une menace pour le mode de vie rural selon eux. Militants et veneurs partagent bien plus qu'ils ne le croient : l'amour de la forêt et l'admiration pour la grande faune sauvage, mais ils sont séparés par des conceptions différentes des continuités et des discontinuités entre humanité et nature. La venerie se heurte frontalement à la cosmologie moderne de deux manières : en introduisant au cœur du monde sauvage une tradition culturelle avec costumes, fanfares et cérémonies, elle contrevient à la séparation entre nature et culture. D'autre part en associant protection, identification morale et confrontation sanglante avec le cert, elle entretient une zone trouble de relation à l'animal qui résiste à la séparation des êtres, des lieux et des attitudes entre les deux grands schèmes relationnels de l'amour protecteur et de l'exploitation extractive.
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On peut voir dans ces innovations rituelles une forme de réponse sans langage mais par les gestes aux stigmatisations des élites, la revendication collective d'un rapport à l'animal et au sauvage qui n'est fondé ni sur la production gestionnaire (l'exploitation de la nature) ni sur la protection dominatrice (l'amour de la nature), mais sur la circulation de la chair et du sang. Il s'agit d'exhiber avec une démesure scandaleuse ce que l'éthique et la pudeur modernes cherchent à disi-muler : la violence, la mort et la part sauvage d'une humanité qui, loin d'être autonome et fermée sur le sentiment de sa dignité et de son exceptionnalité, se nourrit, par incorporation physique, d’une altérité non humaine.
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Comme dans les autres domaines de la marchandisation de la nature, du travail et de là monnaie, on constate que c’est seulement par myopie et défaut de recul historique que l’on pourrait croire à une opposition intrinsèque entre l’Etat et le marché. Seule une politique dirigiste menée par un Etat fort peut permettre de dénouer les liens d’autochtone, les coutumes et les protections communautaires qui freinent la libre circulation nécessaire à un marché concurrentiel. Les technologies de suivi statistique des populations sauvagesse, de leur fécondité et de leur mortalité incarnent ce qu’on peut appeler « un biopouvoir cynégétique » […] Un postulat fondamental de la modernisation biopolitique tient dans l’idée que la gratuité est source de désordre et qu’il n’est de bonne gestion que comptable. Pour que les simples chasseurs acceptent de protéger la faune, il importe qu’ils en éprouvent le prix sur le marché.
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