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Citations sur Arabaiana (16)

Le temps passe. Dit-on. Comme s’il nous passait de­­vant. Mais c’est nous qui passons.
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Je pense à ses en­­fants ; des grands-mères, des grands-pères qui sont toujours des enfants. Et qui ont toujours perdu leur père. Qui se tiennent toujours par la main quand ils traversent une rue. Parce que très tôt ils n’ont compté que sur eux-mêmes. Je pense à Pedro qui était un bébé : vieil homme aux jambes tordues, au sourire bon, avec des lunettes à sautoir, et qui dit encore : « mon papa ». Ça ne s’arrête jamais. Les parents n’arrêtent jamais de vivre, ils ont beau être morts, ils restent vivants jusqu’à ce qu’on meure. Pedro, nourri au sein endeuillé de sa mère. Absorbant dans son petit corps son trop-plein de larmes. Baiana, qui continua à écrire des lettres auxquelles son père ne répondrait plus. Une année durant, dans la chaleur du Nordeste, les enfants portèrent leurs habits noirs, fermés jus­­qu’au menton.
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La sensation de sa propre insignifiance l’avait traversé. Mais il avait senti en même temps qu’il pouvait tout atteindre à condition de toujours faire ce en quoi il croyait. Il pouvait entrer en contact avec cette force qui existait, ça ne dépendait que de lui.
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Celui qui marche sur un fil quatre cents mètres au-dessus du sol sans assurage, c’est grâce à la confiance qu’il arrive de l’autre côté. Il s’abandonne à la con­­fiance. Les vraies forces sont les forces douces. Et c’est en se livrant tout entier à elles que l’on se libère des forces fallacieuses.
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Je le dis pour nous tous qui sommes restés enfants. L’enfant que nous étions n’a pas été échangé contre l’adulte que nous sommes, à quelque poste-frontière. Il n’y a pas non plus de métamorphose magique, comme une chèvre qui se transformerait en serpent. Non, l’enfant est là. Imaginons une machine de chantier. L’adulte est dans la cabine, il ordonne les choses, les déplace, reste mesuré. Mais en bas, c’est l’enfant qui remplit tout l’espace dans le ventre de la machine. L’adulte n’agit qu’en contrôleur silencieux. Qui ne connaît plus ce qu’il contrôle. Mais parfois l’ouvrier dans sa cabine suspend ses gestes ; il tend l’oreille et sent l’enfant qu’il est, au fond de son corps.
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Chaque jour, Jacaré écrivait, il laissait des taches sur son papier. Le jus des poissons dégouttait sur la feuille, et le sang de sa main, et le sel de la mer qui ronge tout. À cause des taches, la feuille devenait sa feuille ; elles donnaient aux mots quelque chose que les mots seuls ne suffisaient à communiquer. Mais les mots n’étaient pas en lui. Ils étaient au-dessus de lui. Ils passaient par lui, et ils convoquaient quelque chose qui n’existait pas encore. Le mot existe avant ce qu’il nomme. Écrire, c’est faire apparaître l’air.
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Celui qui prend la mer ne ferme pas la porte derrière lui, ses roues ne tournent pas au coin, il ne descend aucune rue. Celui qui prend la mer, on peut le suivre des yeux pendant une petite éternité. Jusqu’à ce qu’un infime triangle blanc flotte sous l’infini du ciel. Un point. Et puis plus rien. La courbure de l’horizon les a avalés.
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– Les hommes ont oublié. Oublié qu’ils ont de la force. Tu ne trouves pas ça drôle que les serpents et les oiseaux naissent délicatement en sortant d’une coquille, alors que l’homme vient au monde violemment, extirpé de la chair ? C’est comme ça qu’est notre vie : violente. À chaque seconde. Mais les gens endorment leurs sens. Et ils finissent par traverser la vie en somnambules, sans savoir ce que c’est, la vie.
– Et toi, tu le sais.
– Non ! Mais je sais que la moindre feuille de cet arbre, là-bas, peut refléter et transformer la lumière. Alors nous, pourquoi on ne serait pas capables de changer quelque chose ! »
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Le matin suivant, les quatre pêcheurs revenaient d’une sortie difficile. Toute la nuit, la pluie les avait fouettés, la tempête les avait pris par le col. Les voici de retour sur la plage. Dans le sable, des nageoires brisées. Dans le ciel, des nuages d’un gris lugubre. Dans les airs, une odeur de sang frais. Comme chaque fois, ils souffraient de devoir donner leurs poissons au propriétaire de la jangada. Les poissons qui leur avaient coûté tant d’efforts. Une nuit entière. Jusqu’à risquer leur vie. Dans la peur de voir chavirer le radeau. S’il se retournait en pleine mer, ils étaient perdus. Souvent, ils le ressentaient très nettement : seul est en vie celui qui n’est pas encore mort.
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Il aurait voulu écrire une histoire de la main. Cette main tailladée chaque jour par le cordage de la jangada. Cette main qui chaque jour assommait les gros poissons. Quand une main avait beaucoup frappé, beaucoup trimé, on le voyait. Mais quand elle caressait, quand elle tenait d’autres mains, il n’en restait plus trace. Si d’une main on attrape son autre main, on sent les os, la chaleur, la fermeté, l’agilité. Mais si c’est la main de quelqu’un d’autre que l’on touche, on sent bien plus encore. Un battement, une intimité, une incertitude. Sauf que ces messages ne viennent pas de l’autre main, mais de soi-même. On les met dans cette autre main qui continue de vivre avec. Car les mains sont notre mémoire.
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