AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Alexandre Pateau (Traducteur)Camille Luscher (Traducteur)
EAN : 9782330151225
112 pages
Actes Sud (19/05/2021)
4.08/5   6 notes
Résumé :
En 1941, quatre pêcheurs s'embarquent sur un radeau de fortune pour rejoindre Rio où ils entendent demander audience au président afin de revendiquer leurs droits. Ils sont accueillis en héros et obtiennent justice. Orson Welles, qui vient de réaliser «Citizen Kane», décide de raconter leur odyssée. Mais pendant le tournage, Jacaré tombe du bateau et disparaît dans la mer.

Inspirée par cette histoire où le réel se mêle à la légende tragique, Carmen S... >Voir plus
Que lire après ArabaianaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En 1941, quatre pêcheurs du nord du Brésil parcourent deux mille kilomètres à bord d'une jangada, traditionnel et frêle radeau de bois, pour revendiquer leurs droits auprès du président Vargas à Rio. Mandaté pour un film censé contribuer au « rapprochement culturel » entre les Etats-Unis, le Brésil et le Mexique, le jeune mais déjà célèbre Orson Welles entreprend de raconter leur périple au cinéma. Mais l'un des quatre hommes, Jacaré, disparaît en mer lors du tournage...


Les conditions de vie de ces pêcheurs et de leurs familles sont terribles. Assujettis à l'autorité brutale et aux prélèvements disproportionnés des propriétaires de leurs embarcations de fortune, ces véritables forçats de la mer vivent la faim au ventre, avant de presque tous disparaître un jour, avalés de père en fils par l'océan. Pourtant, leur dignité et leur détermination restent intactes, et c'est avec la force paisible et la rectitude de ceux à qui l'intégrité et la fidélité à leurs valeurs profondes épargnent doutes et regrets, que la délégation menée par Jacaré part ingénument en croisade, le coeur empli de sa bonne foi et de son juste droit, tout autant que de sa confiance en l'autorité suprême du pays. Leur courage et leur sincérité candide paieront, en un joli pied de nez à la laideur du monde. Mais, comble de l'ironie, le sort se retournera lorsque la récupération politique et la mise en scène factice de leur aventure pour le cinéma provoqueront le drame.


Pour le génial cinéaste, cette tragédie agit comme un détonateur. Il s'acharnera à finir son film malgré tout, mais loin cette fois de toute visée propagandiste, en dévoilant sans fard le misérable destin des « serfs de la mer » brésiliens. Boudées et "oubliées" par les maisons de production, les bobines ne seront montées que cinquante ans plus tard, pour sortir au cinéma, après la mort de Welles, sous la forme d'un documentaire intitulé It's All True. Un demi-siècle aura ainsi été nécessaire pour que l'on s'intéresse à la réalité derrière la légende : un intervalle qui donne à réfléchir quant à la responsabilisation de la création artistique en matière d'authenticité et de respect de la vérité.


Fidèle, quant à elle, aux faits réels, Carmen Stephan évoque cette histoire étonnante dans une prise de recul qui en révèle toute la poésie en même temps que l'infinie cruauté. L'élégance de sa plume et la finesse de ses observations rendent un hommage lumineux à ces pauvres jangadeiros capables, par leurs seules force et beauté d'âme, de renverser des montagnes.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          819
Quel point commun entre un pêcheur pauvre du Nordeste au Brésil et Orson Welles, l'enfant prodige du cinéma américain ?
A priori aucun, et pourtant...

Et pourtant, leurs destins semblent liés et se croiseront lors d'un tournage intense et dramatique.
Les bobines du film qui aurait du en découler passeront des années dans l'ombre, enfermées dans une cave, avant de refaire surface après la mort du réalisateur, et de donner naissance à un documentaire intitulé It's All True: Based on an Unfinished Film by Orson Welles.

Arabaiana raconte l'histoire de ces quatre pêcheurs courageux qui entament un voyage long et dangereux pour aller demander de l'aide au gouvernement brésilien ; parmi eux Jacaré, humble et charismatique à la fois. En parallèle, le récit suit l'histoire d'Orson Welles, jusqu'au moment où leurs routes se croiseront.

Ce très beau récit, mêle légendes et croyances brésiliennes à des faits avérés, dans un texte poétique et lumineux, mais également porteur d'espoir.
La volonté de ces quatre pêcheurs force l'admiration et le respect et l'on comprend sans peine qu'Orson Welles ait été marqué toute sa vie par cette rencontre.
Commenter  J’apprécie          20
En 1941, quatre pêcheurs s'embarquent sur un radeau de fortune pour rejoindre Rio où ils entendent demander audience au président afin de revendiquer leurs droits. Ils sont accueillis en héros et obtiennent justice. Orson Welles, qui vient de réaliser «Citizen Kane», décide de raconter leur odyssée. Mais pendant le tournage, Jacaré tombe du bateau et disparaît dans la mer.
Inspirée par cette histoire où le réel se mêle à la légende tragique, Carmen Stephan compose un roman puissamment poétique sur une expérience humaine hors du commun doublé d'une réflexion sur les fondements de l'authenticité, de la vérité artistique et de la mise en scène.
Un livre que j'ai bien aimé. Sensible. Proche des humbles et des célebres. J'ai aimé ce branchement improbable et pourtant qui s'impose au fil des pages comme une évidence. J'ai aimé la sensualité, l'authenticité, le minuscule aligné sur l'immensité, l'humour. Reco BdP 007 fev 22. Ht Rakuten. de garde.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Je pense à ses en­­fants ; des grands-mères, des grands-pères qui sont toujours des enfants. Et qui ont toujours perdu leur père. Qui se tiennent toujours par la main quand ils traversent une rue. Parce que très tôt ils n’ont compté que sur eux-mêmes. Je pense à Pedro qui était un bébé : vieil homme aux jambes tordues, au sourire bon, avec des lunettes à sautoir, et qui dit encore : « mon papa ». Ça ne s’arrête jamais. Les parents n’arrêtent jamais de vivre, ils ont beau être morts, ils restent vivants jusqu’à ce qu’on meure. Pedro, nourri au sein endeuillé de sa mère. Absorbant dans son petit corps son trop-plein de larmes. Baiana, qui continua à écrire des lettres auxquelles son père ne répondrait plus. Une année durant, dans la chaleur du Nordeste, les enfants portèrent leurs habits noirs, fermés jus­­qu’au menton.
Commenter  J’apprécie          10
Être relié quand il prenait la mer. C’est ce que voulut Jacaré une fois devenu pêcheur. Quand ses enfants restaient sur la plage, il leur disait de serrer le poing gauche dès que le petit point disparaîtrait à l’horizon. Il serrerait le sien au même instant, quand disparaîtraient les petits points, ses enfants. Quand il partait pêcher pendant plusieurs jours, il disait à Josefina, sa femme, de regarder la lune. Il ferait la même chose, et ainsi leur amour se rejoindrait sur la lune. Il lui donna un coquillage ; la nuit, elle pourrait y coller son oreille pour entendre ce qu’il entendait. Plus tard, quand Jacaré eut disparu dans la mer, son fils Francisco posait parfois le coquillage sur l’oreille de sa mère endormie. Elle ne l’a jamais su. L’important n’était pas qu’elle le sache, c’était qu’il le fasse.
Commenter  J’apprécie          10
Les jangadeiros n’avaient aucun droit. Dans leur pays, ils n’existaient pas. Le soleil leur couturait les yeux et, aveugles, ils devaient continuer à pêcher jusqu’à la fin de leur vie, parce qu’ils n’avaient pas de retraite. Si les quatre pêcheurs faisaient remonter douze poissons au bout de leur ligne, ils devaient en donner la moitié au propriétaire de la jangada, comme des serfs. Ils partageaient entre eux les six poissons restants. Il restait à chacun un poisson et demi. Un poisson et une moitié de poisson. Pas assez pour nourrir neuf enfants. Alors ils mouraient de faim. Ils cherchaient Dieu dans la faim. Certains jangadeiros finissaient par perdre leurs forces, et, un jour, en pleine mer, ils se laissaient tomber dans l’eau. Au moins, la famille n’avait pas à payer l’enterrement.
Commenter  J’apprécie          10
Le temps passe. Dit-on. Comme s’il nous passait de­­vant. Mais c’est nous qui passons.
Commenter  J’apprécie          172
Il aurait voulu écrire une histoire de la main. Cette main tailladée chaque jour par le cordage de la jangada. Cette main qui chaque jour assommait les gros poissons. Quand une main avait beaucoup frappé, beaucoup trimé, on le voyait. Mais quand elle caressait, quand elle tenait d’autres mains, il n’en restait plus trace. Si d’une main on attrape son autre main, on sent les os, la chaleur, la fermeté, l’agilité. Mais si c’est la main de quelqu’un d’autre que l’on touche, on sent bien plus encore. Un battement, une intimité, une incertitude. Sauf que ces messages ne viennent pas de l’autre main, mais de soi-même. On les met dans cette autre main qui continue de vivre avec. Car les mains sont notre mémoire.
Commenter  J’apprécie          10

Video de Carmen Stephan (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Carmen Stephan
Le récit inédit de la rencontre entre Orson Welles et un pêcheur brésilien, qui bouleversa la vie et l'oeuvre du réalisateur de Citizen Kane.
ARABAIANA de Carmen Stephan est à retrouver aux éditions Chambon : https://www.actes-sud.fr/catalogue/arabaiana
autres livres classés : allemagneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Lecteurs (15) Voir plus



Quiz Voir plus

🐱 Citation, expression ou proverbe sur le chat 😺

Une ... de chat ?

Journée
Vie

14 questions
284 lecteurs ont répondu
Thèmes : chats , proverbes , expressionsCréer un quiz sur ce livre

{* *}