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Critique de Tagrawla


Dans 99 % des cas, je choisis mes livres en fonction de critères mouvants : je connais déjà l'auteur, j'ai envie de découvrir la littérature d'un pays en particulier, le thème du livre m'intéresse. le 1% restant est constitué de livres que je trouve par hasard, et c'est le cas de Voleur de leur propre liberté. Je ne connaissais pas Vidosav Stefanovic, je ne me suis jamais particulièrement intéressée à la Serbie, et quelques mois d'histoire d'une télévision locale dans une ville serbe – Kragujevac – dont je n'avais jamais entendu parler n'est pas forcément le genre de choses auxquelles je m'intéresse. Mais parfois, on se dit « bah ! Pourquoi pas ! » Et paf, une baffe.

Car si l'auteur nous raconte en effet son histoire de tentative de création d'une télévision locale libre sous Milosevic, la réalité est plutôt qu'il tend un miroir à la lâcheté de chacun de nous quand il est question de notre liberté. C'est que Vidosav Stevanovic maîtrise bien le sujet. Poursuivi, persécuté, calomnié, jugé et exilé à cause de ses écrits, c'est tout à fait par hasard qu'il s'est trouvé un jour de l'hiver 1996 dans sa ville natale alors que la population manifestait contre la censure de Milosevic et qu'on lui confie la reprise en main de la télévision locale. Et comme il a l'air d'être une sacrée tête de noeud, il ne fait aucun compromis : pas de censure, pas de revanchisme, pas de collusion avec les politiciens, pas de langue de bois. La liberté et la vérité, rien d'autre. Forcément, ça s'est très mal passé pour lui. L'expérience a duré six mois, six mois durant lesquels il a écrit ce livre qui est son journal.

La baffe ne vient pas tant de toutes celles qu'il a du encaisser pendant cette période, mais du fait qu'en nous décrivant le peu d'exigences du peuple Serbe en matière de liberté et de vérité, il nous montre en réalité un problème universel. Nous nous résignons tous, même au pire. Face au recul des libertés, à la corruption, aux crises économiques, à la perte voire à la disparition de la vérité dans les médias, nous nous résignons. Et pire encore, une fois résignés, nous acceptons la création de boucs émissaires et nous participons activement à la déliquescence de nos sociétés par notre mépris, nos calomnies, notre inaction, notre repli sur nous-mêmes. Nous acceptons le plus passivement du monde la mutation de nos médias en spectacles juste bons à vider les cerveaux. Nous apprenons à nous débrouiller face au manque d'argent plutôt que de nous révolter de la gestion qui en est faite par les politiciens. Nous sommes, tous, les voleurs de notre propre liberté.

Stefanovic nous décrit un peuple Serbe résigné et méprisable, putride, même, dans son nationalisme. On commence par le trouver bien dur, et si l'on n'est pas trop intellectuellement malhonnête avec nous-mêmes, on finit par se reconnaître sur bien des points, par comprendre que le problème vient bien plus du peuple que des Serbes.

Ce journal a presque vingt ans, mais aujourd'hui, c'est chez nous, en Europe de l'ouest, qu'il est plus qu'urgent de le découvrir : il y a des baffes salutaires.

Maintenant que c'est fait, M. Stefanovic va rejoindre la liste des auteurs dont je ne choisis pas les romans par hasard.
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