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Critique de Charybde2


Sujets délicats et intimes, beauté d'une écriture intelligente et sensible à la fois.

Ce récit de Ketty Steward, paraissant en ce mois d'octobre 2012, est un texte captivant et fort, qui peut se lire de plusieurs manières (en tout cas d'au moins trois).

Un jeu narratif d'abord, plutôt cruel mais totalement salutaire, d'échanges, de renvois et de retours entre le noir et le blanc, remarquablement mis en valeur et en lumière par les photographies de Bertrand Robion, en vingt instantanés, émotions parfois bouillonnantes « en dessous » d'une enfance et d'une jeunesse, martiniquaise puis wallonne et métropolitaine, instants qui fonctionnent aussi comme les étranges stations d'un chemin de souffrance, de lutte et d'apaisement. Couleurs de peau, racismes et complexes associés, religions, hypocrisies et obscurantismes, rituels sociaux vides de sens et rites personnels à inventer et élucider (et les rôles étrangement syncrétiques que peuvent y jour chats ou baraques à frites), silences mortifères et coupables absences, agressions sexuelles et complaisances familiales forcenées,… Tout cela raconté sans céder une seconde à la tentation de la pornographie charcutière (©Judith Vernant), tellement à la mode en cette rentrée littéraire, mais drapé dans une parole dense qui ne cache rien, maintenant avec force une pudeur nécessaire sur la douleur et ses conséquences.

Une sourde réflexion ensuite, calme mais intense, sur le mal et la souffrance qui remplissent une identité, et sur la manière de s'en délivrer, sur la quête longue et ardue que cela représente, sur le rôle de la colère, de l'aide rencontrée, du récit, de l'apprentissage et de l'écriture. Sur le cheminement personnel, la confiance, soi et les autres. Un fil intellectuel parfois fragile, mais dont la solidité s'affirme page après page.

Une grille de lecture, enfin, qui propose, offre et souligne au lecteur qui le désire de saisir ou d'approcher les racines de certaines des fulgurances qui peuplent les textes de « Connexions interrompues », dont un critique attentif et inspiré disait qu'il s'agissait plutôt de « Douleurs uniformisées ». La résonance entre les deux textes est permanente et féconde, elle donne nettement envie d'en savoir davantage, et de découvrir de nouveaux récits que le formidable moteur littéraire de Ketty Steward, ici largement mis à nu, devrait nous proposer.
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