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Critique de coincescheznous


Par snobisme ou par ignorance (sûrement les deux d'ailleurs !), je n'avais jamais lu aucune oeuvre d'Amanda Sthers. Je sais, c'est un peu absurde comme argumentation, mais pour moi, un personnage people – en l'occurrence ici l'ancienne femme de Patrick Bruel – ne peut pas être réellement auteur. Il est bon de temps en temps de sortir de sa zone de confort en acceptant un concours de critiques et de comprendre que l'on a des idées de vieilles, qui mettent les gens dans des cases et n'y reviennent pas. Car ce fut une très bonne lecture et je dois admettre que ma première intuition était erronée : Amanda Sthers est écrivain, sans aucun doute.

Mais qui est véritablement Amanda Sthers, indépendamment de la mère des enfants de celui qui n'a plus de voix ? C'est une réalisatrice, scénariste, et auteure de pièces de théâtre, romans, chansons et séries (dont la célèbre Caméra Café qui a eu ses heures de gloire sur M6). Il me faut quand même faire remarquer que la presse ne lui fait pas toujours honneur, notamment lorsque le Magazine Vanity Fair lui attribue le titre d'« écrivain la plus sexy du monde » en 2017, comme si c'était cela qui comptait lorsqu'on est une femme écrivain ! Quoi qu'il en soit, sexy ou non, mariée à une starlette française ou divorcée d'elle, Amanda mérite la reconnaissance d'être une véritable auteure, ce qui d'ailleurs est flagrant dans ce dixième roman : Lettre d'amour sans le dire.

Ce court opus, édité chez Grasset, livre au lecteur une déclaration d'amour sous forme épistolaire. En effet, Alice, 48 ans, professeure de français ayant quitté Cambrai pour suivre sa fille à Paris, tombe littéralement amoureuse d'un homme japonais qu'elle ne connaît pour ainsi dire pas. Un jour de pluie, elle rentre dans un salon de thé et beauté japonais. La femme qui la reçoit la prend pour une autre, qui avait justement rendez-vous à cette heure. C'est ainsi qu'Alice se retrouve, sans l'avoir cherché, dans une petite salle de massage où elle reçoit les soins shiatsu d'un homme japonais, discret, aux mains puissantes : Akifumi. Ce massage change la vie d'Alice. D'un coup, toutes les crispations et déceptions accumulées depuis des années sont libérées, et Alice se sent en communion avec ses mains silencieuses qui la remettent « droite ». C'est ainsi qu'une routine se met en place entre cet homme et cette femme : régulièrement, le vendredi, Alice prend rendez-vous pour un massage. Elle savoure chacun de ces moments et décide de ne pas passer à côté de cet amour naissant. Pour pouvoir échanger avec cet homme qu'elle admire et qu'elle respecte, elle s'inscrit à des cours de japonais et passe une année à réviser, lire des oeuvres nippones, comprendre la culture de ce pays envoûtant. Seulement voilà, le jour où enfin elle se sent prête à dévoiler sa flamme à Akifumi, celui-ci a quitté le salon et est reparti au Japon. le coeur lourd, Alice tente sa dernière chance : lui écrire une lettre où elle lui livre tout, en espérant qu'il y répondra favorablement. C'est donc cette lettre de la « dernière chance » que nous lisons, cette déclaration d'amour – sans le dire – qui n'a plus rien à perdre que nous découvrons, avec un plaisir indéniable.

Les romans d'amour épistolaires ont eu leur heure de gloire et force est de constater qu'ils ne sont pas aujourd'hui dans le top 5 des styles littéraires demandés et achetés par les lecteurs. C'est dommage car finalement, quoi de plus beau que d'écrire à quelqu'un ? Ici, le style est relativement travaillé : le vocabulaire est choisi, à cheval entre désuétude et franchise sans fioritures. Les tournures sont élégantes et cela est bien représentatif du personnage d'Alice, qui est professeure de français. Les phrases proposées ont toutes une arrière-connotation romantique ou poétique, et nous avons le sentiment d'entrer à pas feutrés dans un univers discret, raffiné et sensuel. C'est affreusement agréable ! le personnage principal nous est très bien amené, sans jamais être dans le cliché de la « seconde vie qui démarre », alors que c'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Alice se réveille d'une torpeur de trente ans, mais sans jamais reprendre les images éculées du développement personnel qui nous casse les pieds à longueur de journée avec des pensées et phrases toutes faites. Décidément, rien ne vaut un bon roman pour faire comprendre une trajectoire ! Enfin, l'apport de la culture nippone dans cette lettre soigneuse et précise est un plus précieux. D'abord, il sert la narration : Alice est un personnage qui s'éveille et en ce sens, son intérêt pour le Japon va de pair avec son ouverture croissante sur le monde. Ensuite, il permet de quitter des considérations franco-françaises sur l'amour pour entrer dans une abstraction plus intéressante. Enfin, cela contribue inévitablement au charme de la lecture.

Je regrette donc d'avoir, de façon générale, des avis relativement pédants sur ce qu'est ou non la littérature, surtout sur des auteurs que je n'aie jamais lus ! Personne n'est parfait, j'en conviens, mais c'est une bonne leçon. Par ailleurs, j'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture que je recommande bien chaleureusement. Parfois, un vrai roman d'amour, ça fait vraiment du bien !

Jo la Frite

Lien : http://coincescheznous.unblo..
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