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Critique de Musa_aka_Cthulie


Le Pélican est l'histoire d'une famille déchirée arrivée à un point de non-retour. le père est mort récemment, et tout de suite, on ressent que rien ne va dans cette famille où la seule domestique, dès le tout début, reproche à la mère de s'être montrée maltraitante envers ses enfants et ses employés.


Le père est mort récemment, il semble que la famille soit quasiment ruinée, le fils va être obligé de trouver une chambre à louer parce que la fille et son mari reviennent tout juste de leur voyage de noces écourté pour s'installer dans la maison. Une maison où il fait froid et où la présence du père est palpable de façon continue, comme un fantôme : ainsi, son fauteuil à bascule ne cesse de se balancer, terrifiant la mère. Une mère qui prétend avoir nourri ses enfants de son sang, d'où la métaphore du pélican. Sauf qu'elle les affamés au lieu de les nourrir, qu'elle ne les obligeait à vivre dans un froid continuel, qu'elle a trompé son mari et refilé son jeune amant à sa fille tout en continuant à coucher avec lui, et qu'elle n'a cessé de voler l'argent de la famille, trompant tout le monde. le véritable pélican, ce n'est donc pas elle.


Toute cette famille a vécu dans un mensonge continuel, étouffée par une femme qui a mené son mari indirectement à la mort. C'est là une charge terrible contre une forme d'illusion : celle du bonheur familial, du doux foyer, de la mère aimante, des liens du sang plus fort que tout. Une illusion qu'a portée le XIXème siècle avec son modèle bourgeois qui n'est qu'apparences et tromperies. L'image des somnambules, qui revient sans cesse, est là pour mettre le doigt sur l'incapacité de la société à regarder les choses en face et à s'émanciper.


La pièce va vite et fort, jusqu'à se refermer sur des personnages qui n'ont plus d'issue. Parce que la mère ne peut se sortir de son rôle, comme les enfants sont incapables de lui échapper, tout en ayant enfin compris qui elle était. Les répliques, en revanche, courtes au début deviennent plus longues au fil des trois actes, et particulièrement dans le troisième et dernier. Les personnages développent alors, en lien avec le style des dialogues tendant un peu à l'emphase, comportement de plus en plus excessif, tout comme le père, dans le passé, avait montré un comportement délirant où il avait hurlé dans la nuit. Cet excès, qui n'est pas nouveau chez Strinberg, est probablement nécessaire pour en arriver à la fin terrible de la pièce. Ce côté excessif de Strindberg n'est pas ce que je préfère chez lui, encore qu'ici ça n'atteigne pas un degré qui m'insupporterait.


Le sujet est très fort, forcément très sombre (enfin bon, on est chez Strindberg, faut pas s'attendre à nager dans un océan de roses à l'odeur enivrante), le traitement efficace malgré mon petit bémol sur le style - question de goût, pour le coup. Dans le même genre de sujet, j'ai préféré Amour maternel, pièce plus ancienne, plus sobre et plus courte au Pélican, pièce de 1907 - une des dernières de Strindberg. Mais si on a envie de s'attaquer au sujet de la famille, avec ce qu'elle peut avoir de malsain, ainsi qu'à la dénonciation de la société corsetée du tournant de la fin du XIXème et du début du XXème, c'est à lire.


On notera que Strindberg a dit avoir beaucoup souffert à cause de cette pièce qu'il a songé à détruire, de l'écriture aux représentations, sans pour autant regretter de l'avoir écrite. Ce qui laisse penser que son implication dans le Pélican fut énorme, peut-être encore plus que d'habitude. Déjà que, hein...
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