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Critique de Renod


Une vidéo inquiétante est massivement partagée sur les réseaux sociaux. Cinq hommes cagoulés y apparaissent assis en tailleur devant une bannière portant une inscription en arabe. Des explosifs et des détonateurs sont posés sur une table. le groupe terroriste nommé «Dawa al-Islamiya» promet de mettre Paris à feu et à sang dans un délai de quinze jours. L'homme qui a pris la parole au nom du groupe a parlé un français sans accent. « Da'wa » est littéralement l'appel à rejoindre les enseignements du prophète dans l'islam mais il a pris un sens plus commun puisqu'il désigne aussi le désordre social, le bordel. Nous sommes à la veille d'élections municipales. La panique s'empare de l'opinion publique. Pascal Paoli, le patron du renseignement intérieur, met tout en oeuvre pour identifier et arrêter les membres du réseau. le temps est compté.

Julien Suaudeau dépeint une République en faillite. Deux mondes coexistent : d'un côté les beaux quartiers et les ministères avec leurs luttes de pouvoir intestines faites de coups foireux ; de l'autre, les banlieues de Seine-Saint-Denis où le seul ordre qui prévaut, c'est celui des trafiquants de drogue. L'auteur sait évoquer le poids du passé colonial de la France, l'influence grandissante des investisseurs qataris et l'absence de valeurs et la perte du goût de l'intérêt collectif. de la part des élites politiques

Le roman est d'une construction aboutie. Les scènes se succèdent, haletantes, avec l'angoisse de l'ultimatum annoncé par le groupe terroriste. le lecteur suit une galerie de personnages, du petit dealer au Directeur de cabinet ; cette diversité des personnages symboliques permet de balayer l'ensemble d'une société en crise. Tout est plausible, on se demande parfois quand commence la fiction, à quelques exceptions près, notamment les apparitions abracadabrantesques de la CIA.

La force de ce roman est qu'il est porté par un message politique précisé par l'auteur dans une entrevue : "Je suis exaspéré par ce contresens absolu qui nous fait croire à un clash ethnoculturel entre la France blanche et chrétienne et la France issue de l'immigration, alors que les constructions identitaires résultent d'une bonne vieille lutte des classes entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors". Le problème est donc social et non pas culturel ou idéologique à l'image de ces jeunes français qui deviennent kamikazes moins par conviction religieuse que pour se venger d'une société qui les a rejetés.

Julien Suaudeau dresse un portait amer et noir de la société française d'aujourd'hui pour en dénoncer les disparités sociales et les reniements de la République. Un roman contemporain et militant. Un roman choc.
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