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Critique de Emma555


Parlant de son héros, Rosemary Sutcliff a dit "Une partie de moi était Marcus, et l'autre partie était amoureuse de lui". On la comprend tant le personnage est séduisant dans son alliance de force et de faiblesse, de courage et de folie raisonnée...

L'Aigle de la Neuvième Légion est un livre absolument superbe, à la psychologie subtile et magnifique, mais dont la traduction française ne restitue pas totalement les splendeurs... L'absence de traduction intégrale relègue donc la version française dans la catégorie "livre pour jeunes adultes", et c'est grand dommage. Car, en Angleterre, Rosemary Sutcliff est connue et appréciée pour la précision des détails psychologiques de ses ouvrages (chaque geste est significatif, peignant autant l'extérieur que l'intérieur de ses personnages) et la richesse de l'évocation de la nature et des "décors" de l'action. C'est d'une grande force et ses reconstitutions sonnent "juste", bien que les recherches archéologiques et l'avancée des historiens aient parfois corrigés en faux ses hypothèses.

Hélas, tous ces détails ont été gommés de l'édition française pour n'en garder que l'ossature, par contrainte pour une édition pour la jeunesse. C'est donc l'essentiel du charme entêtant de sa prose qui disparaît pour le lecteur français adulte.

Il faut donc retourner à l'original anglais pour comprendre la force d'évocation du roman qui en fait encore une oeuvre culte, qui a inspiré autant Hayao Miyazaki que Lindsay Davies. (Par exemple, au chapitre 20, la phrase "But with Sassticca's voice rising near at hand, and one or other of the slaves likely at any moment to come through the atrium about their preparations for dinner, Marcus could not bring himself to start on that story. Slipping the ring back on to his finger, he said, '...." " a été simplifiée en "L'un ou l'autre des esclaves pouvait entrer dans l'atrium à tout moment. Aussi Marcus repassa-t-il l'anneau à son doigt : "[...]".")

Avis à ceux qui ont vu le film 'The Eagle' (2011) : cette adaptation hollywoodienne en diable est une trahison de la prose de Sutcliff et de ses intentions : la fin est un total contresens (et une aberration historique) sur le sort de la Legio IX, et l'expédition en terres du nord est un tissus d'aberrations stratégiques et historiques... de plus, loin, très très loin du sadomasochisme homo-érotique du film, le roman est un roman d'apprentissage pour jeunes de 7 à 99 ans, dans lequel les relations entre Marcus et Esca sont celles d'une amitié fraternelle, et où Marcus apprend à dépasser sa pensée "romaine". Tant Esca que Cottia lui apprennent à voir autrement, et tous trois sont des exclus d'une romanité triomphante.

Il faut donc visionner la série de la BBC datant de 1977 en 6 épisodes de 30 minutes, désormais sortie en DVD, pour trouver une adaptation fidèle du roman. Hélas, elle aussi est réservée aux anglophones puisqu'elle n'est sous-titrée qu'en anglais. (Si les trois premiers épisodes sont très théâtraux, les trois derniers d'action, dans des paysages écossais magnifiques, sont palpitants et parfois très émouvants.) Les dialogues suivent à la lettre le roman d'origine. Recommandé.
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