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Critique de camati


L'anguille est un poisson qui ne m'est pas étranger car la branche maternelle de ma famille est charentaise (maritime), donc j'en ai souvent entendu parler dans mon enfance et en ai mangé. Les anguilles, que l'on appelait aussi « piballes », étaient pêchées dans les marais (salés). Ce poisson est d'ailleurs l'emblème du Marais Poitevin voisin.
Le seul mystère que représentait l'anguille pour moi, enfant, c'était pourquoi on l'appelait « poisson » alors qu'elle ressemblait à un serpent ! L'auteur, Patrick Svensson, n'écrit-il pas lui-même à son propos page 12 : « Peut-être ne sait-elle pas qu'elle est un poisson ». Alors le sujet de ce livre m'a intriguée ; dans un premier temps, je me suis informée sur l'animal et me suis rendu compte que je n'en connaissais rien ; je ne suis pas la seule puisqu'effectivement, on ignore encore beaucoup de choses sur ce mystérieux poisson.
Le titre a également titillé ma curiosité. le mot « évangile » avait-il un sens que je ne lui connaissais pas ? Et enfin, le parallèle entre l'anguille et l'homme est ce qui m'a vraiment décidée à accepter la proposition de Babelio et des Editions du Seuil de chroniquer ce premier roman avant sa parution, ce dont je les remercie vivement car il m'a enthousiasmée et je vous en recommande la lecture.
Depuis Aristote, l'anguille a toujours représenté une énigme pour les scientifiques, même les plus éminents (y compris Freud !), elle est toujours restée « étrangère », pour utiliser le terme de l'auteur. Aujourd'hui encore, nous en sommes toujours en partie au stade de la croyance, de la conjecture, il existe peu de certitudes à son sujet, tout n'a pas été vérifié scientifiquement, malgré les innombrables observations et expériences, fondements de toute étude scientifique. Ce que l'on sait, c'est qu'elle peut vivre très longtemps, mais d'où vient-elle et où va-t-elle, et comment sait-elle trouver son chemin sur des milliers de kilomètres ?? Bien des questions restent en suspens. Je vous laisse le plaisir de suivre ce cheminement.
Dans le chapitre intitulé « Aristote et l'anguille née de la vase », je trouve un embryon d'explication pour l'emploi du mot « évangile » dans le titre. En effet, le philosophe grec parle du « miracle » de « l'avènement » de l'anguille qui, d'après lui, ne pond pas, ne fraie pas, n'est ni mâle ni femelle, bref ne se reproduit pas et pourtant elle naît !! Comme Jésus en quelque sorte, non ? dont la conception était elle aussi bien mystérieuse.
L'Evangile des Anguilles est construit sur une alternance de chapitres scientifiques (mais abordables, je vous rassure) et de chapitres dédiés à la relation du narrateur avec son père lorsqu'il était enfant, en Suède, et l'accompagnait pêcher l'anguille. Ces pages n'ont pas manqué d'évoquer pour moi le film « Et au milieu coule une rivière », dans lequel un père, pasteur, donne à ses fils le goût de la pêche à la mouche, ce qui créera un lien très fort entre eux.
Ce que j'ai aimé dans ce récit singulier voire improbable, c'est l'énigme : l'énigme de la naissance, de la reproduction et de la mort de l'anguille, l'énigme de la vie, du sens de la vie, l'énigme de nos origines, la mise en échec de la science. Bref, j'ai aimé le questionnement que cette lecture induit ; assez proche finalement de celui que l'on peut mener lorsqu'on lit une enquête policière. L'écriture qui sert ce texte est l'oeuvre d'un homme aux multiples intérêts et qualités : il est à la fois journaliste, passionné par la science et l'art, et écrivain. Il sait captiver le lecteur sans avoir recours à des effets spéciaux !
J'ai ainsi beaucoup appris sur l'anguille et sur l'homme. Ce dernier, comme souvent, est responsable de sa situation actuelle : elle est en voie d'extinction (50% en moins dans les 45 dernières années) pour de multiples causes : surpêche, braconnage, changement climatique, constructions, pollution… Alors de l'étude de l'anguille, P.Svensson dérive logiquement vers une étude climatologique car la sixième extinction de masse, que nous pourrions être en train de vivre, est unique, comparée aux cinq précédentes (refroidissement dû à la dérive des continents ou astéroïde qui se serait abattu sur terre), au sens où « son agent responsable est un être vivant : l'homme ». Une note finale pas très optimiste donc mais par ailleurs un livre que j'ai trouvé passionnant, bien écrit et bien traduit.
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