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Critique de Foxfire


Un des aspects que j'apprécie particulièrement dans le western, c'est qu'à travers des destinées intimes de personnages archétypaux inscrits dans une culture spécifique, il s'intéresse à des thèmes ayant une portée universelle. le fait que l'Ouest, tel qu'on l'entend dans le western, s'inscrit dans une période très circonscrite permet notamment d'évoquer la construction d'une société et la mutation finale de celle-ci. Swarthout s'est intéressé à ces deux moments charnières de l'Ouest. Ainsi, l'action de « Homesman » se situait plutôt dans les débuts de la conquête de l'Ouest tandis que dans « le tireur », le récit prend place alors que cette ère de conquête est achevée. Il est d'ailleurs très intéressant de lire l'un en ayant lu l'autre auparavant. J'avais adoré ma lecture de « Homesman », grand roman humaniste et j'ai retrouvé dans « le tireur » la même délicatesse, la même bonté.

« Homesman » évoquait les perdants de la Frontière, ceux qui n'étaient pas assez durs pour survivre dans cet environnement hostile, encore sauvage. Au contraire, « le tireur » se déroule en 1901, la conquête de l'Ouest est achevée, les territoires sauvages ont été domestiqués et refaçonnés par l'Homme, et avec le chemin de fer qui s'étend la Frontière n'est plus. La conquête de territoires hostiles demandait des Hommes au cuir épais, au coeur dur, taillés par les éléments et l'adversité. Mais en ce début de XXème siècle, ces Hommes à l'ancienne ne sont plus vraiment à leur place, leur temps est fini. C'est le cas de Books, le héros du « tireur », dont on va suivre la lente agonie, symbole de la mort de l'Ouest et de l'avènement d'une nouvelle ère. J'ai trouvé ce récit vraiment poignant, il y a quelque chose de bouleversant à assister à la mort lente d'une époque, dure certes, mais pleine de promesses et d'espoirs. La conquête de l'Ouest s'est faite dans le sang et dans la boue mais il y avait aussi beaucoup d'espoir là-dedans, l'espérance en de meilleurs jours, la croyance en des valeurs morales fortes. Une fois la conquête achevée, force est de constater que ces espoirs ne peuvent être que déçus. Ce n'est pas un monde meilleur qui est né, la civilisation n'est qu'un vernis, la violence est toujours au coeur de la société même si cette violence s'exprime différemment. L'ère des tueurs comme Books est révolue, fini le temps des as de la gâchette, voilà maintenant le temps des cyniques, des escrocs sournois. Ceux qui tirent leur épingle du jeu ne sont plus les tireurs les plus rapides mais les manipulateurs et les menteurs les plus habiles. Ce n'est plus la force qui est au coeur de la société mais l'argent. Cet adoucissement de la société n'est qu'une apparence, sous le vernis de la civilisation, la bassesse humaine est plus que jamais là. Lequel des deux est le plus inhumain entre le tueur qui tue d'une balle celui qui lui fait face ou le vautour qui calcule ce qu'il pourra gagner sur le dos d'un mourant ? Avec tous ces cyniques qui l'assaillent de toutes part, on ne peut s'empêcher d'éprouver une grande empathie envers Books. Les Hommes à l'ancienne avaient un code d'honneur, des valeurs et Books ne déroge pas à cette règle. Il sait qu'il va mourir et va tout faire pour partir avec honneur et dignité. Il ne manque pas de panache et affronte la mort avec courage et une forme d'élégance.

Cette seconde lecture de Swarthout a été aussi excellente que la première. « le tireur » est un roman intelligent, subtil et touchant tout en bénéficiant du talent de conteur hors pair de son auteur. Autant dire que je n'en ai pas fini avec Swarthout.
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