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Critique de Tempsdelecture


On a tous un jour cliqué sur un lien qu'on appelle clickbait, un de ces liens doté d'un gros titre qui bien souvent ne cache qu'un texte au conditionnel qui pourrait mettre Paris en bouteille ou un texte brodé sur du vide, sans fond, sans source. Mêmes méthodes que nos Voici ou France dimanche nationaux : du drame, du scandale, de l'inédit réchauffé ou même de la fakenews pour attirer le chaland. C'est notre lot de lecteur du XXIe siècle.


Nous voici cette fois à Varsovie, ou après une scène de folle course-poursuite qui aboutit à une voiture accidentée et à un conducteur sans vie, les paparazzis de bas étage se précipitent sur les lieux du drame. C'est chez Meganews, l'une de ces rédactions à peu de sous, que travaille la journaliste Julita Wojcicka, totalement blasée par les niaiseries qu'elle écrit à longueur de journée, en désespérée d'occuper une véritable fonction de journaliste. Si paparazzis il y a, c'est que le défunt n'est autre qu'une personnalité du monde de la télévision. Si l'accident dont il a été victime est impressionnant et a mis sous le choc tous spectateurs, lecteurs, Julita finit par s'apercevoir que quelque chose ne tourne pas rond. de fil en aiguille, ce qui était à la base qu'un vague soupçon, se transforme en certitude lorsque l'ordinateur de Julita est hacké, qu'elle reçoit intimidations et menaces, et qu'elle devient victime de revenge porn au sein de la rédaction de Meganews. L'auteur ne nous épargne rien de tous les aléas qui naissent des manipulations informatiques diverses et variées. La jeune femme en passe de devenir journaliste favorite de la rédaction à persona non grata, est licenciée. La seule chose qui lui reste, c'est la résolution de ce meurtre qui lui donnera, selon elle, la clef de sa rédemption professionnelle.

Ce roman a tendance à nous donner l'envie franche de revoir sa façon de gérer sa « vie » sociale sur les réseaux de tout bord, où la paranoïa nous guette : l'envie subite de fermer Instagram, Facebook, Twitter, Marmiton, boites mails, Google maps, photos, et tutti quanti peut sérieusement nous traverser l'esprit. Car l'auteur pointe notre vulnérabilité face au vaste réseau des hackers, brouteurs, tricheur, usurpateurs en tout genre : toujours quelqu'un de plus malin et retors, avec moins de scrupule, que nous-mêmes pour manipuler ce réseau de câbles inextricables, et surtout invisibles, de ce vaste champ sans frontière tangible qu'est Internet. Pour retrouver fierté et assassin, Julita passe de novice à experte avisée, quand bien même cela nécessitera qu'elle tombe dans tous les pièges possibles et imaginables, cheval de Troie, phishing. Cette enquête, très ancrée dans notre modernisme dématérialisé, ne manque pas de souligner les excès qui sont les nôtres, la fatuité de l'information immédiate et à tout-va, son excès, le narcissisme aveugle qui est le nôtre à laisser traîner notre vie dans un univers que nous ne maîtrisons pas, l'insouciance, cette façon de déléguer une partie de notre vie à des algorithmes automatisés qui nous soustrait encore la moindre capacité de réflexion. Ce petit côté geek n'est pas sans me déplaire, et tout est bien intégré à la diégèse en général sans que des détails superflus n'alourdissent son déroulement, quand bien même mes compétences en matière de technique numérique sont limitées : il a l'avantage de pouvoir nous toucher davantage ,d'autant que le personnage principal est une femme simple et naïve, et que ce sont des problématiques qui nous concernent. Et pas seulement de l'informatique d'ailleurs. Puisque autour de Julita gravitent un tas d'autres personnages un peu paumés, Jan le geek de service qui lui prêtera main forte, Leon le témoin opportun de la scène liminaire, embourbé lui aussi jusqu'au cou dans la conception de packaging d'ineptes et infâmes repas protéinés que personne n'a envie de manger en lieu et place des délicieux pierogis nationaux !

C'est un portrait au vitriol et contrasté d'une société polonaise qui n'hésite pas à faire un bon retour en arrière sur l'avortement, et autres valeurs très conservatrices, et clairement raciste alors qu'elle n'hésite pas à inciter ses concitoyens à se sustenter de repas en poudre et de se gaver de mauvais articles d'une presse dématérialisée sans fond ni forme, sans queue, ni tête. Tous les ingrédients sont là, racisme, crise économique, retour à des valeurs conservatrices, pour une dérive autoritarisme qui sous-tend le texte et la vie dans ce pays. Conservatisme saupoudré de cette violence inouïe provenant de tous les dangers causés par les dérives d'Internet : cyberharcèlement, revenge porn, et tout ce que le dark net regorge de trafics sordides.

L'auteur, taquin, et un brin provocateur, a réduit son avant-propos d'une unique phrase "Ceci n'est pas un roman de science-fiction" dans le but probable que le lecteur se sente encore davantage solidaire des malheurs de Julita. Ce roman fait près de cinq cents pages et je dois avouer que le suspens est soutenu avec régularité tout au long de ces pages, sans aucune longueur, j'ai fini la lecture de ce titre aussi rapidement que je l'ai demandé sur Netgalley lorsque j'ai vu sa disponibilité sur la plateforme.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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