AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Pourquoi tant d'hommes et de femmes sont-ils conduits à tout laisser derrière eux pour partir, seuls, vers un pays mystérieux, un endroit sans famille ni amis, où tout est inconnu et l'avenir incertain ?
Là où vont nos pères est un roman graphique empli d'étrangeté et d'enchantement. Voilà longtemps que je voulais le lire !
J'ai attendu avant d'y aller, mais ce livre m'attendait aussi. C'est souvent comme cela la rencontre avec une lecture qui vous étonne.
J'ai ouvert cette bande dessinée comme on pousse une porte vers un monde abyssal, comme on part en exil, loin de ses racines, loin des siens. Je suis entré dans ses pages silencieuses et j'ai découvert un monde où je n'avais plus de repères. Étrange, onirique presque, inquiétant et cependant familier, furieusement merveilleux avec des personnages épris d'émotions.
Pourquoi tant d'hommes et de femmes sont-ils conduits un jour à partir « de leur propre initiative » ? Et partir pour où ? Ici ce sont des hommes, des maris, des pères qui s'en vont.
Comme cet homme au début du roman qui quitte sa femme et sa fille. Précautionneusement il emballe une photo dans son petit cadre où ils sont tous les trois... Dans ce décor sépia qui touche à l'intime, que peuvent-ils se dire avant de se quitter ? On le devine comme on devine chaque bruit, chaque murmure, chaque respiration, car ce roman est fait de silences. Il n'y a pas de mots qui viennent dans ce récit, ils sont devenus inutiles pour dire ce voyage vers l'inconnu.
Partir, prendre un train, un navire, comme tant d'autres dans l'histoire universelle des femmes et des hommes, poussés un jour à partir, aller chercher le bonheur ailleurs, où ne serait-ce que quelque chose de plus supportable qu'ici.
Partir parce qu'il n'y a plus de travail ici, plus de liberté, partir peut-être à cause de la guerre, partir pour tout cela. Fuir sur les routes...
Mais l'ailleurs est souvent différent de l'eldorado qu'on voulait imaginer. C'est un monde avec des métropoles démesurées, verrouillés par ses codes, ses murs, ses obstacles parfois infranchissables. Des bruits de bottes traversent parfois les pages dans un effroi qu'on devine implacable et assourdissant.
Mais il y a aussi des sourires, des bras tendus qui rappellent que dans ces terres lointaines de chez eux, ces femmes et ces hommes, émigrés, réfugiés, exilés de toutes sortes, rencontrent aussi des portes qui s'ouvrent.
La force de ce roman graphique tient dans cette alternance entre l'infime et le gigantesque. L'infime survient où se détachent des gestes ordinaires des scènes de la vie quotidienne, des fleurs qui éclosent, des visages attendris qui sourient. Et puis d'autres pages surviennent où des paysages totalement surréalistes, tantôt merveilleux, tantôt inquiétants déferlent comme des vagues sur les pages immenses.
Comment ne pas être touché par les évocations que ces images suscitent ?
Ce roman graphique est comme un rêve éveillé.
Shaun Tan est un artiste australien qui réussit ici une oeuvre intemporelle d'une puissance artistique et poétique époustouflante.
J'ai aimé ce livre comme une errance en apesanteur, hors du temps. Dans ce voyage sans mot et sans paroles, je suis entré dans un langage intime qui parle au coeur.
Commenter  J’apprécie          708



Ont apprécié cette critique (69)voir plus




{* *}