La mine aspirait les hommes, enfouissait leurs ailes et leur goût du vent, tu vas rester ici mon petit, il y a tout ce qu'il faut, même une université, il suffit d'aimer la poussière. (…).
Tout autour de la ville les camions zigzaguaient, chargeaient déchargeaient, klaxonnaient pousse-toi de là, de braves bougres au volant qu'on payait au kilomètre et qui ne savaient même plus tousser. Le temps était de l'argent, ils étaient pressés d'en finir, avec leur vie parfois aussi quand on voyait leur façon de conduire, et qui mangeaient de la poussière au petit déjeuner, tellement que ça ne leur faisait plus rien.
Il n'y avait que de la douleur dans cette histoire. L'histoire de jeunes gens enlevés, torturé, attachés à des rails de chemin de fer et jetés vivants dans la mer depuis les hélicoptères. Un procédé déjà testé en Algérie – lui aussi... Une imagination limitée on vous dit, mais retorse. Sans corps, pas de deuil possible. Il y a toujours une rumeur, une chance sur un million que...
Aujourd'hui il reste une galerie de photos dans un sanctuaire au cœur du jardin, et quelques rangées de fleurs qui portent nos noms.
Le Plan Condor prévoyait l'élimination des opposants politiques dans le plus grand secret. Neruda était communiste, figure et soutien de l'Unité populaire d'Allende, les ouvriers lisaient ses poèmes en public, fiers d'être soutenus par un personnage mondialement respecté... Le chauffeur du poète avait révélé des trous noirs dans les jours qui avaient précédé sa mort. Alors soigné à l'hôpital, le cancer était en phase de rémission quand une soudaine rechute l'avait frappé, et emporté. Il avait fallu différer l'annonce de la mort, attendre deux jours pour que le corps soit rendu à ses proches, de manière a priori incompréhensible.