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Critique de Biblioroz


Dans les années 1870, au coeur de cette petite ville du Midland où l'élégance ne ressort plus de la qualité des tissus mais de la mode très éphémère qui émerge, où l'on arbore favoris et barbes fantaisistes et où l'on rajoute des salles de bains aux vielles demeures, beaucoup de choses ont disparu et d'autres voient le jour. Booth Tarkington nous en énumère certaines avec un délicieux humour accentué par une écriture tout à fait exquise.

Dans ce balbutiement de changements plus ou moins importants éclate la magnificence des Amberson avec le Major qui fit sortir de terre tout un nouveau quartier filant autour d'un boulevard portant son nom. Ces constructions firent la richesse de la famille et leur notoriété. Les Amberson habitent la plus belle maison de la ville et l'auteur donne, avec beaucoup d'esprit, la parole à un citoyen pour nous en décrire sa splendeur. À ce stade, je suis déjà conquise et charmée par le style enlevé de cet écrivain que je découvre ici !

La petite-fille du Major est la belle et gracieuse Isabel Amberson. de deux amoureux, elle a choisi celui qui ne s'est pas ridiculisé à ses yeux lors d'une sérénade et épouse Wilbur Minafer. Cette sage décision lui vaut la prédiction suivante de la part d'une certaine madame Foster : avec ce mariage sans amour, elle pourrira ses enfants. La seule erreur dans cette prophétie résidera dans le fait qu'elle n'aura pas des enfants mais un seul, George. Et heureusement, pourrait-on dire ! Car à neuf ans, celui-ci est la terreur de la petite ville, effronté, arrogant jusqu'à choquer un pauvre révérend très vieille école. Les habitants attendent donc que son éducation à l'université le remette en place et qu'il supporte à son tour quelques déboires. Mais la punition ne semble pas encore venir. Très beau, d'un maintien altier, sa condescendance vis-à-vis des personnes qu'il juge démodées ne fait que s'accroitre lorsqu'il revient chez lui.
L'auteur a doté ce Georgie, comme le nomme affectueusement sa famille, d'un caractère des plus fat et prétentieux qui lui fait dire « mes aspirations véritables sont de me lier avec un petit nombre d'êtres d'élite. » En découle que pour George, tous les autres sont des « dingos », l'un de ses mots favoris.
Lorsqu'il fera la connaissance de Lucy, la fille d'Eugène Morgan (l'ancien amoureux éconduit de sa mère), ses sentiments se réveillent mais il se heurtera enfin à une personne qui fera vaciller son aplomb, qui le fera bafouiller et se tourner en ridicule, lui, le grand George Minafer Amberson ! Il aura le malheur de dédaigner le père de Lucy et raillera ses recherches dans le domaine de l'automobile alors en pleine émergence. Il faut dire qu'en présence d'Eugène, la gaité et les joues roses de sa mère font monter en lui un fort ressentiment envers cet homme qui n'appartient pas à son illustre famille.

Avec une mère en adoration pour son unique rejeton, des flèches décochées par une tante rongée d'amertume et de jalousie, un dédain manifeste pour toute profession puisqu'aucune ne peut répondre à la vision de l'avenir du bel héritier, une ignorance face à l'évolution industrielle et sociale, la famille Amberson entame son déclin et les beaux jours du quartier du même nom partent en fumée laissant devant eux une décrépitude et un nom qui tombera dans l'oubli. La ville se transforme en cité industrielle, le train du changement est passé et les Amberson sont restés sur le quai. Les fortunes sont capricieuses et inconstantes.
Qui peut prévoir l'avenir ?

En juxtaposant l'agrandissement fulgurant de cette petite ville avec la dégringolade vertigineuse des Amberson, l'auteur manie aussi bien le côté drolatique que le côté tragique de son ouvrage. Les très belles lignes de Booth Tarkington nous montrent un monde qui court au capitalisme avec la naissance de l'industrie automobile, des sentiments qui se heurtent dramatiquement à un amour maternel trop fort et des richesses qui se désagrègent pendant que d'autres construisent de nouvelles demeures encore plus somptueuses sur les ruines laissées par les prédécesseurs.
Une très belle découverte d'un auteur méconnu en France et un titre que j'avais noté un jour suite à l'avis enthousiaste de moussk12, merci à toi Fabienne !
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