N’importe quel étudiant de douze ans était capable de donner à peu près correctement la date de ce que la diplomatie terrienne appelait encore officiellement « le Premier Conflit Inter-Espèces Post-Contact » – façon fort pompeuse de qualifier la toute première guerre menée par la Terre contre une race extraterrestre – qui avait eu lieu non loin de cette fameuse planète. Mais dans les conversations quotidiennes, on lui préférait toutefois le terme plus cru – et plus parlant – de « Grosse Branlée ». Les Squamates, qui étaient ressortis vainqueurs de ce très bref affrontement avec la flotte spatiale terrestre, parlaient, eux, avec un sens de l’humour assez rare au sein de leur espèce, de « Guerre de Sept Minutes » ou, de manière plus cinglante encore, de « 172-0 »
Comme on l’a vu, l’état-major terrien n’avait jamais énormément progressé en termes d’imagination au fil des derniers siècles. Donner des noms d’oiseaux aux appareils volants étant une constante à peu près depuis les débuts de l’aéronautique, on en arrivait à ce moment gênant où on avait épuisé le contenu d’à peu près toutes les banques de données ornithologiques depuis belle lurette. On s’était donc mis en tête d’aller taper dans les noms d’oiseaux légendaires et/ou mythologiques. Ceux-ci n’étant pas, eux non plus, illimités, un choix avait déjà été arrêté pour la prochaine génération de chasseurs : on se contenterait de les appeler Maurice, et puis merde.
L’absence de murs au sein du cuirassé apparaissait de plus en plus, rétrospectivement, comme une fausse bonne idée – mais c’était précisément l’une des caractéristiques des idées merdiques que d’avoir l’air excellentes jusqu’au moment précis où les faits venaient vous donner tort.