AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Luniver


La recherche de la force, de la puissance, voilà le but de Lenz Buchmann dans la vie. Il répond en cela parfaitement aux attentes de son père, ancien militaire aux méthodes d'éducation particulières : le fait d'avoir peur menait à une punition, l'enfermement dans une cave ; on ne prend jamais un enfant sur les épaules dans la foule, s'il veut voir quelque chose, à lui de faire sa place ; plus tard, il supervisera la première relation sexuelle de son fils, avec la femme qu'il lui aura indiquée.

Cet état d'esprit recherche a mené Lenz à devenir chirurgien. Pas par compassion pour les hommes, loin de là : les adieux déchirants, les patients qui refusent le combat et abdiquent devant la maladie, le révolte au plus haut point. Seuls comptent sa maîtrise parfaite de ses gestes, sa capacité à remettre de l'ordre dans un corps désorganisé. Il développe également une passion secrète pour les mendiants, les fous et autres marginaux de la ville. Ces individus possèdent en effet une liberté totale, une capacité à vivre selon leurs propres lois, qui semblent admirables au docteur Lenz. Ils ne sont toutefois qu'à la moitié du chemin, puisqu'incapables d'imposer ces règles à l'ensemble de la population.

Buchmann se tourne alors naturellement vers la politique : réparer un corps social malade n'est pas bien différent que de guérir un corps humain malade. Et les citoyens manifestent un respect spontané devant l'Autorité, alors que les convalescents se sentent obligés de lui prêter des sentiments de bonté et de compassion, ce qui l'irrite considérablement.

Cette quête du pouvoir de se suit avec une certaine fascination. Lenz est totalement déshumanisé, et incapable d'éprouver la moindre compassion. Quand il apprend que son propre frère est atteint du cancer, il a la même réaction que pour ses patients : du mépris devant cette faiblesse affichée, qui le poussera même à tenter d'effacer des mémoires cet individu indigne du sang qu'il a reçu. Les rares moments d'émotion et de fragilité que Lenz éprouve sont dû à la mémoire de son père, figure qui l'a durablement marqué (et on peut comprendre pourquoi !). Toute son énergie est concentrée sur son objectif, les autres personnes qui l'entourent ne sont que des êtres à modeler, à rediriger dans la bonne direction, c'est-à-dire la sienne.

Le roman peut certainement se lire à plusieurs niveaux. Premièrement, comme illustration de la montée des totalitarismes qui nient les désirs individuels et imposent la vision du chef. D'autre part, la « volonté de puissance », forger et n'obéit qu'à sa propre morale sont des termes qui ressemblent furieusement à certains discours de Nietzsche.

Je ne prétendrai pas avoir saisi tous les messages de ce roman, mais l'expérience a été malgré tout particulièrement intéressante.
Commenter  J’apprécie          211



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}