Six ans et je sais que jamais, je ne m'en lasserai.
Elle n’a pas changé : ses cheveux d’un roux flamboyant tombent toujours en cascade dans son dos, sa silhouette parfaite me fait encore rêver, mais surtout son regard bienveillant à mon égard me rassure comme dix ans auparavant.
Je lui rends son étreinte et laisse échapper quelques larmes d’émotion. Pourquoi ai-je attendu toutes ces années avant d’oser les revoir ? J’ai perdu tellement de temps.
Nos bras se touchent et nos bouches ne sont qu’à quelques centimètres l’une de l’autre. Il plonge son regard dans le mien et l’alchimie qui nous unissait au lac réapparaît. Ses lèvres douces effleurent enfin les miennes. Je voudrais aller loin, beaucoup plus loin, mais le klaxon d’un camion nous fait sursauter et nous rappelle que nous avons encore un bon après-midi de route qui nous attend.
Aucun de nous deux n’ose le dire réellement, de peur de nous tromper, de peur de paraître ridicule. Nous pourrions nous réjouir, nous dire que ces photos, cette histoire et la vidéo nous rendront célèbres dans le coin, que des journaux viendront nous interviewer et que nous serons peut-être même riches. Mais ce n’est pas ce que nous voulons, et de toute manière, ce n’est pas comme ça que ça marche. On se moquera de nous, la police nous conseillera de consulter et une terrible chasse va prendre lieu, ayant des effets ravageurs sur la forêt. Sans même en discuter, nous savons pertinemment que la meilleure chose à faire est de nous taire.
J’ai toujours trouvé Paul un peu étrange, ou devrais-je plutôt dire timide et réservé, mais je ne m’attendais pas à une situation d’une telle ampleur… Je me saisis de mon portable et lui envoie un message lui demandant où il se trouve. Je reste assise, immobile, attendant une réponse, ou au moins un signe. Il se passe cinq, bientôt dix minutes, sans que rien ne vienne me sortir de ma torpeur. À ce stade, je ne sais plus si je suis inquiète ou bien déçue. Un peu des deux, j’imagine. Dans tous les cas, je suis sûre d’une chose : si Paul réapparaît, il va passer un sale quart d’heure.
Son récit est à dormir debout, je te l’accorde, mais d’un côté, il faut vraiment avoir une imagination débordante pour l’inventer.