Bakou s’orne d’une multitude de mosquées. C’est sans compter les églises et les synagogues. C’est sans oublier non plus, les centaines de derricks artisanaux érigés n’importe où, n’importe comment. En fait, Bakou se résume à une somme de jalons orgueilleux dressés dans le ciel ou plutôt, vers les cieux. Or, c’est là une multitude de repères trompeurs, car tellement semblables au fond.
Il n’y a pourtant pas de quoi désorienter un Anton Nikitich qui se balade rarement le nez en l’air. Lorsqu’il a besoin de retrouver son chemin, il se contente de regarder droit devant lui et avec raison.
Le fait est que les rues d’ici n’ont rien de commun avec celles de Tbilissi, ces rues joueuses où son enfance s’était prolongée sans heurts majeurs telle une fleur d’insouciance qui aurait poussé hors sol. Tout cela avait pris fin le jour du grand départ ou peut-être la veille, lorsqu’il avait croisé le regard jaune du dénommé Joseph Djougachvili alias Koba. À moins que ce ne soit plus tard, à Gazakh, entre deux bouffées de la pipe d’un drôle de chaman.
Voilà donc deux mois qu’un jeune Russe en rupture de ban arpente régulièrement les rues d’une ville où il a déjà beaucoup vu, connu, expérimenté. Depuis que ses camarades l’ont installé dans une chambre de l’auberge du "Père Soldat" — repère notoire d’ivrognes, de désespérés et d’ivrognes désespérés — il a aussi beaucoup couru. Il s’est souvent débattu. On l’a parfois battu...