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Critique de AnnaDulac


Souffler sur des braises pour qu'elles ne s'éteignent pas, tel est le projet des éditeurs de la Contre Allée afin que les écrits si rares de la cubaine Nivaria Tejera disparue récemment puissent, malgré le chaos, nous permettre de continuer à nommer ce qui nous entoure et à « tracer, transporter, transmuer » le monde.

Après la réédition du « Ravin », voici que nous est offerte la traduction française d'un texte dont seuls quelques fragments ont paru en 2005-2006 dans une revue culturelle cubaine. Un inédit donc dont l'original en espagnol n'a jamais été édité.

François Vallée a su incarner en français cette prose poétique labyrinthique, souvent déstabilisante, car elle ne ressemble à nulle autre.

Pour évoquer l'histoire d'amour tragique de Verónica et d'Andrea narrée par la voix de celui (ou celle) qui les a présentés l'un à l'autre et qui forme avec eux « un conglomérat massif » , Nivaria Tejera procède comme le feraient les peintres ou musiciens dont il est souvent question dans « Trouver un autre nom à l'amour » : par touches successives, par refrains, par redites, par méandres, par creusements, par croisements, pour trouver le mot au plus près de ce qui doit être dit et former une construction inédite « comme celle du Facteur Cheval.»

Une basse continue qui est la recherche du sens de l'amour, de la mort choisie ou non, de la création, de l'écriture, et surtout de l'absence, sur laquelle se greffent des variations sur différents motifs : la nature, la mer, les îles « escarpant à peine l'océan », Paris, Mahler, Baudelaire, Masaccio, Giotto, entre autres.


Ce texte si profondément original, dénué de toute facilité et de tout compromis, est habité par une âme inquiète qui ne peut que bouleverser un lecteur sensible et le chavirer de gratitude.

Merci à Nivaria Tejera d'avoir parlé de Gustave Roud, poète vaudois, d'avoir dit que « la beauté est une source d'oubli de soi, de vide incommensurable », d'avoir utilisé les mots « nitescence », « concrescent », d'avoir parlé des « rôdeurs interlopes » qui peuplent nos rêves.

Merci à Nivaria pour n'avoir jamais clairement tracé les frontières entre le réel et le rêve, pour avoir su qu'il fallait « trouver un autre nom à l'amour et le réinventer afin de tout rendre supportable … »

Merci à Nivaria d'avoir écrit un poème organique, en mouvement, comme un ensemble de cellules, que l'on peut lire linéairement, mais aussi en tournant les pages au hasard pour faire des images et des mots saisis ainsi aléatoirement un nouveau texte, notre propre refuge.






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