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Citations sur Comment conduire un pays à sa perte (42)

Un homme qu’on ne peut pas raisonner est un homme qui fait peur.
Albert Camus
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En hiver, il n’y a vraiment pas grand-chose à faire. Il y a des jours où nous ne faisons rien. C’est ce qu’a dit Gyongyi Orgyan, une habitante de Siklósnagyfalu, à un journaliste du New York Times le 3 avril 2018, quelques jours avant les élections législatives en Hongrie. Elle faisait partie de tous ceux qui avaient bénéficié des faux emplois qu’avait fournis le dirigeant hongrois Viktor Orbán aux villageois afin de s’assurer un réseau d’électeurs. Au cours des huit années de son second mandat en tant que Premier ministre, en fournissant aux gens sans emplois des boulots saisonniers d’été subalternes payés par l’État et organisés par l’administration locale, pour quelques heures par jour, Orbán a fait baisser le taux de chômage de 11,4 à 3,8%. Ce qui lui a permis de gagner des milliers de loyaux sympathisants dont le pain quotidien dépendait de sa réélection. La base de son pouvoir reposait sur les pauvres et sur ceux qui bénéficiaient financièrement de son régime et qui sont devenus comme Jan-Werner Müller les appelait dans son article de la New York Review of Books – « les nouveaux riches, des citoyens responsables, bourgeois conservateurs ».
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Cette expression, « montée du populisme », est commode pour notre époque. D’une part, elle masque le contenu idéologique de droite des mouvements en question et, d’autre part, elle n’explique en rien le désir suspect du je de se fondre en nous. Elle décrit à la perfection ces chefs charismatiques tordus qui mobilisent les masses et, avec application, les réduisent à un peuple de déçus et d’ignorants.
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Quand, régulièrement, des enfants se font violer par douzaines dans un hôtel géré par une fondation islamiste pro-gouvernementale à Karaman – une ville conservatrice et le bastion du parti dirigeant en 2016 – et quand les journalistes qui en parlent sont emprisonnés à la place des coupables ; quand des membres du gouvernement font alors l’éloge de cette fondation comme étant l’institution du pays la plus scrupuleuse en termes de droits de l’enfant et organisent une séance de photos de famille avec les représentants de la fondation, quelle est la réponse possible ? Vous restez bouche bée tant vous êtes choqué, sans voix, les yeux vous sortent de la tête, et un bruit semblable à un hoquet sort de votre bouche : « Ah ! » Votre cerveau, dupé par la tension de vos muscles faciaux, commence alors à générer du rire. C’est le rire qui survient quand l’humain a atteint ses limites émotionnelles. Quand l’esprit est contraint de tester ses capacités à traiter le répugnant et l’illogique, et quand cette tâche ne cesse de prendre de l’ampleur, qu’elle ne cesse jamais de se répéter, le cerveau finit par être saturé et transmet un message d’erreur. C’est comme si ce nouveau genre d’émotion était incapable de trouver sa place sur la carte des neurones et ne pouvait donc que surgir sous forme de rire. C’est ce qui arrive quand vous avez épuisé votre colère, et quand vos réserves de désespoir et de dégoût sont elles aussi taries. Et au contraire du sultan dans ce conte populaire, le dirigeant continue à repousser sans cesse les limites, jusqu’à ce que le répugnant et l’absurde deviennent la nouvelle norme.
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" Les minarets sont nos baïonnettes
Les coupoles nos casques
Les mosquées nos casernes
Et les fidèles nos soldats. "

Récité par Recep Tayyip Erdoğan lors d'un rassemblement public... en 1999.

(page 15).
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8. « Vous restez bouche bée tant vous êtes choqué, sans voix, les yeux vous sortent de la tête, et un bruit semblable à un hoquet sort de votre bouche : "Ah !" Votre cerveau, dupé par la tension de vos muscles faciaux, commence alors à générer du rire. C'est le rire qui survient quand l'humain a atteint ses limites émotionnelles. Quand l'esprit est contraint de tester ses capacités à traiter le répugnant et l'illogique, et quand cette tâche ne cesse de prendre de l'ampleur, qu'elle ne cesse jamais de se répéter, le cerveau finit par être saturé et transmet un message d'erreur. C'est comme si ce nouveau genre d'émotion était incapable de trouver sa place sur la carte des neurones et ne pouvait donc que surgir sous forme de rire. C'est ce qui arrive quand vous avez épuisé votre colère, et quand vos réserves de désespoir et de dégoût sont elles aussi taries. » (p. 252)
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6. « "Et donc me voilà, d'anarchiste post-structuraliste je suis devenu surveillant d'urnes électorales ! Oui, tout le monde sait maintenant où est sa place !"
Le 1er novembre 2015, ce Tweet est instantanément devenu un classique du répertoire, qui ne cesse de se renouveler, de l'humour noir turc. Il a été posté le jour des élections législatives et partagé par la vaste communauté des gens instruits qui s'étaient portés volontaires pour surveiller les urnes.
[…]
L'infantilisation et le pathétique du climat politique ont rendu superflues leurs capacités intellectuelles et ils en étaient réduits à se poster dans les bureaux de vote pour s'assurer que les urnes n'étaient pas truquées par les partisans d'Erdoğan, comme cela avait été le cas lors des précédentes élections. Ceux qui ont repris la blague à leur compte faisaient aussi référence aux années précédentes, au cours desquelles ils avaient regardé, amusés, l'establishment et son appareil d'État pourri être secoué et littéralement démantelé par les conseillers en communication du mouvement populiste. L'ironie étant que, précédemment, la plupart d'entre eux voyaient la démocratie moderne comme un simple habillage de vitrine pour le système néolibéral et s'étaient réjouis de voir l'appareil d'État puni pour son hypocrisie. Mais désormais ils subissaient un étrange effet boomerang car ils devaient défendre la machine politique et protéger un système de démocratie représentative que la plupart d'entre eux trouvaient 'dépassé'. » (pp. 128-129)
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Quand il n'y a plus de " nous" pour défendre une réalité vécue en commun, "je" ne peut que se retirer sur l'île de l'imagination magique; un pays de conte de fées au-dessus duquel volent des oiseaux qui n'existent pas.
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...dire périodiquement quelque chose de scandaleux sur des questions qui touchent les droits des femmes ; faire en sorte que les gens soient choqués ; alimenter la controverse jusqu'à ce que les opérations que vous firigez, cachées derrière le bruit blanc, soient menées à bien.
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" N'êtes vous pas capable d'avoir encore un peu de tenue? " (...) le sénateur McCarthy avait lancé une attaque contre un jeune homme employé au cabinet de Welch à Boston, Welch avait répondu avec cette phrase inoubliable. (...) Nous avons finalement perdu ce qu'Albert Camus appelait " cette éternelle confiance en l'homme, qui lui a toujours fait croire qu'on pouvait tirer d'un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de l'humanité" . Il n'est donc pas étonnant que de plus en plus de gens cèdent au même épuisement que celui de l'enfant qui veut juste arriver au bout du conte de fées qu'on lui raconte et aller se coucher.
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