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Critique de berni_29


Conseillé pour ne pas dire influencé avec jubilation par mon amie d'ici Blandine, Refuge est un livre que j'ai adoré. L'auteure, Terry Tempest Williams, nous entraîne en Utah, sur les rives du Grand Lac Salé, mais aussi dans des paysages intérieurs tout aussi sublimes.
Printemps 1983, la montée des eaux du Grand Lac Salé atteint des niveaux records et les inondations menacent les différents refuges des oiseaux migrateurs.
Ce texte autobiographique est une réflexion écologique avant l'heure, puisque le récit nous ramène dans les années quatre-vingt.
Il y a dans ce texte à la fois une étude naturaliste très pointue et une chronique familiale pleine d'émotion, faisant écho à la nature qui est convoquée ici, et tout ceci s'anime avec harmonie dans un récit saisissant.
Tout d'abord ce livre est une véritable volière, un rendez-vous de battements d'ailes, moi qui adore les oiseaux, qui aime les observer et tente de les approcher sur le littoral proche de chez moi, j'ai été grandement servi.
Mais il y a aussi en parallèle une histoire intime, familiale, douloureuse et touchante. Celle de la mère de l'auteure, Diane, qui apprend qu'elle est atteinte d'un cancer pour la seconde fois de son existence. C'est presque une fatalité, comme huit membres de la famille avant elle.
La famille, justement, se retrouve autour de ce moment difficile mais chaleureux, l'accompagnement fait d'espoirs puis de résignations...
Ce sont les deux chemins qui mènent aux rives de ce lac. Il y a un autre aussi, qui traverse ces deux-là, tragique, ô combien révoltant, des essais nucléaires menés dans le Nevada au cours des années cinquante et ce, jusqu'en mille neuf cent soixante-deux, qui pourraient expliquer tous ces cancers...
Bouleversée par la douleur de celle qu'elle accompagne dans la maladie, Terry la narratrice se plonge à la fois dans le bonheur des oiseaux, mais aussi dans la compréhension des effets dévastateurs des retombées radioactives.
Terry s'occupe plus particulièrement d'un refuge dédié aux oiseaux, le Refuge d'oiseaux migrateurs de Bear River. Son inquiétude est grande face à la montée anormale des eaux du lac et qui peuvent menacer l'écosystème.
C'est l'histoire d'un lac dont les eaux montent, enflent comme les cellules d'un cancer.
À cause des crues, il y a désormais comme une menace que les oiseaux en colonies abandonnent définitivement les îles du Grand Lac Salé.
Terry n'arrive pas à dissocier le Refuge de sa famille et je la comprends. La famille est un refuge aussi...
Ce récit est l'occasion de convoquer une poésie de la nature, rien que dans le noms des oiseaux, parfois drôles aussi. Écoutez plutôt : des avocettes, des ibis à face blanche, des aigrettes neigeuses, des sarcelles à ailes bleues, le pluvier neigeux, le courlis esquimau, les carouges a tête jaune, des faucons crécerelles, des hirondelles rustiques, le petit duc des montagnes, les hérons garde-bœufs.
C'est un livre empli de constellations d'oiseaux. À chaque chapitre se pose l'un d'eux, venant picorer nos doigts.
Se délecter de leurs plumages, de leurs couleurs, de leurs chants.
Il y a ici la patience des oiseaux mais aussi celle qui les observe.
Le Grand Lac Salé est un miroir pour les oiseaux migrateurs, une halte, un repos, un havre de paix et de nourriture.
Il est un refuge pour ces oiseaux passant d'un hémisphère à l'autre traversant les États-Unis d'Amérique.
Dans l'épreuve et la maladie d'un proche, Terry nous rappelle que les oiseaux savent détourner notre attention. Elle le dit avec la poésie des oiseaux et c'est beau.
J'ai aimé ce récit, plein de douleur, d'amour, de compassion mais aussi d'impuissance devant la colère de la nature, devant la maladie, devant l'horreur de la société qui produit des malheurs.
Ce lac est un véritable océan.
C'est un lieu où se ressourcer lorsque la douleur est là.
Mais comment se préparer au vide lorsque la personne qui nous est chère ne sera plus là bientôt ?
S'émouvoir de la beauté du paysage. Trouver que la symétrie des vols d'étourneaux est presque irréelle.
Le cancer est cyniquement philosophe : il oblige à se poser sur le jour présent.
Ce lac est un paysage de sable qui se prête à l'isolement. La communauté des mormons à laquelle appartient la famille de Terry l'a compris très tôt.
Comme le dit Diane, la maman de l'auteure, plus que jamais je crois aussi que c'est par l'intermédiaire du monde naturel que nous pouvons entrer en contact avec nous-même. Se débarrasser des choses superficielles, aller à l'essentiel.
Ce lac est une mer intérieure qui apprend l'éveil, l'attention à soi et aux autres, l'expérience du monde. La sensualité aussi évoquant l'ondulation des dunes...
Ce lac est un refuge en soi pour l'âme humaine.
S'avancer dans la paix de la nature devient alors comme une consolation.
Ce livre m'a fait un bien immense. Merci Blandine.
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