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Critique de 5Arabella


Une bonne partie de l'oeuvre de Jodelle est perdue, il a peu publié de son vivant, et après sa mort précoce, Charles de la Mothe qui édite ses oeuvres, constate que la majorité des papiers ont disparus, lui-même semble n'avoir édité qu'une partie de ce qui est resté. Jodelle a évoqué plusieurs tragédie qu'il aurait écrit, à part Cléopâtre captive, citée dans toutes les histoires de la littérature comme la première tragédie française humaniste, il reste une deuxième pièce qui appartient au même genre, Didon se sacrifiant. On sait peu de choses de cette pièce, l'année de sa rédaction est inconnue, la plupart des spécialistes la placent après Cléopâtre (créée en 1553), voire la considèrent comme une oeuvre de la maturité (relative, parce que Jodelle est mort à 41 ans) mais d'autres pensent qu'elles ont été écrites au même moment, voire que Didon est antérieure...On ne sait pas non plus si elle a été représentée ou si elle est restée en l'état de manuscrit du vivant de l'auteur. La seule chose certaine, c'est le texte lui-même.

On peut juste remarquer que le titre, Didon se sacrifiant, n'est pas sans évoquer le titre de la pièce de Théodore de Bèze, Abraham sacrifiant, un drame biblique, un peu antérieur aux pièces de Jodelle, qui semble avoir été en contact avec l'auteur.

La pièce de Jodelle emprunte son sujet, et suit d'assez près la trame de l'épisode de l'Enéide qui raconte le départ d'Enée et le suicide de Didon, texte que tout lettré de l'époque connaissait par coeur. La pièce est en cinq actes, mais elle n'est pas divisée en scènes, chaque acte constituant une unité. Au contraire de Cléopâtre, la plus grande partie est rédigée en alexandrins, sauf les interventions du choeur.

Au premier acte, Ascaigne et Achate plaignent Didon à cause du départ prochain de Didon, commandé par les Dieux. Palinure quand à lui, se montre cassant, il faut avant tout respecter la volonté divine, sans aucune hésitation ni remords. Mais Enée, qui entre en scène, en a, des remords, même s'il se soumet à ce qu'il doit faire. le deuxième acte fait entrer en scène Didon, qui vient d'apprendre le départ prochain de son amant. Lorsqu'il arrive elle tente de le convaincre de rester, puis se lance dans des imprécations et malédictions. Dans le troisième acte, Didon charge Anne, sa soeur, d'essayer de convaincre Enée de retarder son départ, même si elle accepte l'idée de ce dernier, mais Enée refuse. le quatrième acte, qui n'a pas vraiment de raison d'être voit surtout un dialogue entre Anne et Barce (la nourrice), qui combine plaintes et imprécations. Arrive Didon, qui veut brûler tous les objets qui lui rappellent Enée. Dans le cinquième et dernier acte, Didon finit par se débarrasser de tout le monde, pour se jeter elle aussi dans le brasier (ce que nous apprenons par un récit de Barce).

C'est évidemment très statique, il n'y a pas véritablement d'action, et la fin est connue d'avance. Il ne s'agit pas de surprendre le spectateur (ou lecteur) mais plutôt de proposer des variations sur un thème très connu, c'est un théâtre de la parole, du verbe, et l'auteur cherche à convaincre par cet aspect. Les personnages ne sont pas des personnes, mais des caractères, par exemple Anne est la soeur affectueuse, d'autres sont là pour défendre une position philosophique, comme Palinure (obéissance aux dieux). La pièce est constituée de longues tirades, très écrites, il n'y a pas de véritable dialogue entre les personnages. Les stichomythies ont un contenu proverbial, moral, ce ne sont pas des échanges réels.

La langue de Jodelle peut sembler étrange au lecteur d'aujourd'hui, par ses mots inusités, par ses tournures complexes, il est sans doute plus complexe que d'autres poètes de son temps (le théâtre était rangé dans la poésie à l'époque), baroque lui convient très bien sans doute. Pour ma part, après un petit moment d'adaptation, j'avoue avoir apprécié ces vers torturés, plein de fioritures, d'arabesques. Il y a une musique particulière, un rythme très personnel. Mais cela risque de rebuter beaucoup de lecteurs modernes, parce qu'il faut faire l'effort d'essayer de comprendre cette langue et de suivre ces méandres.
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