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Critique de Alzie


Dans la même collection (dont je ne vante plus les mérites) que Vuillard : le temps détourné", voici "Bonnard : la couleur agit. Si je parle volontiers des deux peintres, c'est que ces deux là sont de grands amis et le resteront toujours. Bonnard est né en 1867, il est licencié en droit et commence tout juste sa carrière juridique lorsqu'il se laisse happer par la peinture qu'il pratique depuis sa prime jeunesse. C'est la vie d'artiste qui l'intéresse avant tout. Il rencontre Vuillard, Sérusier, Denis et bien d'autres à L'Académie Julian et formeront le noyau initial des Nabis. Pour mieux les connaître voir l'ouvrage éponyme du même Antoine Terrasse co-écrit avec Claire Frèches-Thoiry.

S'agissant de Vuillard, Guy Cogeval dresse le portrait contrasté d'un peintre inventeur à ses débuts d'une nouvelle formulation plastique qui aurait pu le mener à l'abstraction mais qui, évoluant ensuite vers une facture plus classique au tournant des années 1910-1920, devient le portraitiste surdoué, mais convenu, de son temps. Antoine Terrasse propose, au contraire, pour Bonnard, une compréhension de l'oeuvre inscrite dans la continuité d'une recherche picturale personnelle où composition et couleur restent primordiales. Ajoutons que la renommée de Bonnard, ce qui n'est pas le cas de son ami, dépasse largement la période Nabie.

L'auteur montre ici comment, dans toute la peinture de l'artiste, une évolution sensible est perceptible. de ses réalisations de jeunesse de la période Nabie d'influence nettement japonisante (La partie de croquet ; Les femmes au jardin ; le corsage à carreaux, les trois de 1892), jusqu'à la magie colorée des oeuvres de la maturité, d'une composition de plus en plus élaborée où tout se règle, in fine, par la couleur (Cabinet de toilette de 1933, L'avant midi commencé en 1940 et achevé en 1946 ou L'atelier au mimosa achevé en 1946). Une interprétation qui se vérifie bien sûr par le support de la reproduction dans cet ouvrage, petit mais précis.

Chez Bonnard, pas de hiérarchie sclérosante de sa vision des arts. Comme son ami Vuillard, il s'adonne à la gravure et à la peinture. Il s'intéresse en même temps aux arts décoratifs et pratique très tôt la photographie qui tient un rôle important pour lui.

Bonnard et Vuillard partagent le même goût pour le milieu du théâtre. Bonnard réalise les décors d'Ubu Roi de Jarry en 1896, au Théâtre de l'Oeuvre. Ils fréquentent ensemble le milieu de la Revue Blanche et Bonnard pratique également la lithographie. Comme illustrateur de livres, il donne 109 lithographies à Ambroise Vollard pour orner l'album Parallèlement de Verlaine (paru en septembre 1900) ainsi que Daphnis et Chloé, qui restent parmi les plus beaux livres d'artistes jamais réalisés.

Décorateur, il le sera aussi pour Misia, célèbre égérie du groupe Nabi : quatre immenses panneaux pour son appartement du quai Voltaire. Sa peinture se fait l'écho de ses voyages et déplacements successifs, des endroits où il vit et séjourne : Paris bien sûr, mais aussi le Dauphiné, berceau familial, la Normandie, Arcachon, La baule et à compter de 1909, le midi où il achètera la maison du Cannet. Il représente des scènes intimistes Petite fille au chat de 1899, L'effet de glace de 1909 ou des natures mortes avec un souci très neuf du cadrage.

A partir de 1910 une exigence nouvelle de composition s'invite dans ses toiles (La salle à manger à la campagne de 1913) l'esprit en reste cependant impressionniste. A contre-courant des tendances contemporaines (fauvisme, cubisme, surréalisme) et tandis que s'affirme le débat Picasso/Braque, il continue d'explorer sa propre voie, celle d'une utilisation de la couleur comme élément déterminant de la composition. Sa femme Marthe est une source d'inspiration infinie pour des études de nus innombrables à partir de leur rencontre en 1893 : Nu accroupi au tub, plusieurs Nu à la baignoire, Nu devant la glace, Nu s'habillant etc. qui ne sont pas sans rappeler Degas dont il était admirateur.

Bonnard et Matisse qui se connaissaient exposeront ensemble à la Galerie Bernheim-Jeune et entretiendront une correspondance régulière dans un "dialogue serein", poursuivi jusqu'à la mort de Bonnard en 1947.

Une synthèse claire et plaisante à lire pour découvrir les diverses facettes de l'oeuvre de Bonnard. A lire en duo avec le petit Vuillard de la même collection.
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