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Critique de boudicca


Ceux qui ont lu les précédents ouvrages de Jean Teulé connaissent certainement déjà le goût immodéré de l'auteur pour les faits divers historiques sanglants ou scabreux (ou les deux) et ne seront donc pas autrement surpris du thème de son nouveau roman. Après les mésaventures du pauvre mari cocu de la marquise de Montespan (« Le Montespan ») ou bien celles de François Villon, poète du XVe siècle à la réputation sulfureuse, Teulé se penche cette fois sur une histoire d'amour peu ordinaire, celle que vécurent au XIIe siècle Héloïse et Abélard. La première est une belle et séduisante jeune fille très cultivée pour son âge et son sexe. le second est un grand philosophe et théologien renommé dans toute la chrétienté pour la sagesse de ses enseignements dont on lui propose justement de faire bénéficier la jeune fille en tant que précepteur. S'en suit une histoire d'amour passionnée au cours de laquelle les deux amants se livrent avec ardeur aux joies de la luxure et de la dépravation. Mais aimer Héloïse a un prix, et il sera douloureux pour le pauvre Abélard : ce n'est pas pour rien que le roman s'intitule « Héloïse, ouille ! ». Séparés, malheureux, les deux amants se lancent alors respectivement dans une carrière religieuse qui assurera leur renommée pour les siècles à venir : Héloïse en tant qu'abbesse du premier ordre monastique doté d'une règle spécifiquement féminine et donnant aux femmes accès à l'éducation, Abélard en tant que fondateur d'un nouveau courant de pensée au sein du christianisme.

On retrouve ici tout ce qui fait le style de Jean Teulé : le mélange entre le vocabulaire du Moyen Age et un langage plus moderne ; la façon très crue de narrer les scènes de sexe ou de torture ; l'humour corrosif sous-jacent à chaque page malgré la gravité des faits relatés ; l'anticléricalisme assumé... Bref, qu'on aime ou qu'on aime pas, difficile de rester indifférent au style de l'auteur qui alterne avec habilité moments empreints de beaucoup de poésie et de sérieux, et scènes d'une grande (et parfois inutile) vulgarité. La première partie du roman courre ainsi le risque de lasser, voire choquer, le lecteur tant s'accumulent les descriptions parfois très obscènes des ébats d'Héloïse et Abélard qui ne reculent décidément devant rien pour se faire plaisir. On change de registre dans la seconde partie du récit qui se fait davantage passionnante alors que l'on découvre le sort respectif des deux amants. le personnage d'Héloïse se fait alors bien plus attachant et plus profond que l'on pouvait l'imaginer et l'on mesure alors véritablement la sincérité de son amour et l'étendu de sa capacité d'abnégation envers son intellectuel amant. Abélard suscite lui aussi la sympathie pour la qualité et la modernité de sa réflexion sur le christianisme (qui en prend d'ailleurs pour son grade, à la plus grande joie du lecteur), mais très vite cet attachement se meut en irritation devant la progressive radicalisation de sa pensée et surtout le comportement répréhensible envers celle qui n'aura pas hésité à sacrifier sa jeunesse et sa liberté pour préserver la réputation de son amant.

Jean Teulé puise une fois encore dans notre passé afin de ressusciter des personnages au destin mi-comique mi-tragique avec l'irrévérence et l'humour dont il est coutumier. le résultat est parfois un peu trop « trash » à mon goût mais on suit malgré tout avec beaucoup de plaisir et d'empathie la belle et triste histoire d'amour d'Héloïse et Abélard dont le narrateur omniscient prévoir avec justesse qu'elle « se répandra dans toutes les étreintes et deviendra le chant populaire de ceux qui se tiennent par la main, la langue secrète qui se mêle à celles s'enlaçant en des baisers. »
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