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Critique de LaBiblidOnee


Malgré son titre évoquant un classique américain, ce roman d'anticipation interroge la possibilité d'un monde sans lecture. Ici, contrairement à Fahrenheit 451, on n'a pas détruit les livres : On a agi sur l'humain, comme dans 1984. Rien qu'en prolongeant les travers actuels de notre société, que pourrions-nous devenir dans les années 2400 ? Un monde où les écrans nous ont vidé la tête, prenant toute la place dans l'enseignement, les loisirs ; un monde où s'installe la primauté des images, qui se poursuivit par la stricte interdiction de la lecture et de l'écriture : symboles du savoir, du questionnement, centres névralgiques du ressenti et des sentiments, de l'ouverture vers les autres. Un monde dont les principes de liberté, égalité, fraternité sont devenus Individualité, Intimité et Tranquillité, empêchant tout regroupement rebelle, comme tout rapprochement entre amis ou amants ; Une natalité en chute, mettant symboliquement l'humanité en péril. Dans ce monde désincarné, la devise est : « pas de question, détendez-vous ». Et il n'y a que cela à faire, puisque les gens ne servent plus à rien tant les robots, d'apparence et de fonctionnalités si humaines pour certains (clonage du cerveau humain, amputé de quelques « fonctionnalités » dangereuses…), font tout à leur place et sont plus… intelligents ? Alors pour nous aider à ne penser à rien - et peut-être, dans un exquis retour d'ironie, faire de nous des robots - on a légalisé les drogues, ces pilules de Sopor achevant littéralement de nous endormir. Est-ce le paradis ou une société de robots, au propre comme au figuré, qui court à sa perte ?


Pour le lecteur la question se pose dès le départ, puisque même le robot semblant chapeauter tout cela regrette que sa programmation l'empêche de se suicider. Pour l'un des héros de ce roman, dressé à ne surtout pas s'interroger, la question s'insinuera plus tard : lorsqu'il tombera sur des vieux films muets, mettant en scène des familles et des gens semblant heureux de vivre, de ressentir des émotions. Enfin, cette question se posera plus ouvertement lorsque ce héros découvrira une vieille vidéo destinée… à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Un monde nouveau s'ouvrira alors à lui, empli de questions obsédantes qui le pousseront à explorer bibliothèques et interdits… Grain de sable dans l'engrenage, ce tutoriel fera parler les films muets, boîtes noires d'un bonheur d'antan qui ne demande qu'à renaître de ses cendres. le héros déchiffrera aussi les textes fondateurs des sociétés passées, même s'il constatera (comme dans 1984) que L Histoire a été réécrite avant d'avoir été oubliée. Face à ce naufrage de l'humanité et de notre civilisation, il suffirait pourtant d'une arche télépathique, d'un Noé des temps modernes et d'une nouvelle Eve, prête à croquer les fruits défendus d'une ancienne civilisation redécouverte, pour nous sauver tous… Sauf à être « détectés » avant, et neutralisés.


Au début, j'ai cru à un 5 étoiles. Dommage que ma lecture ait connu un coup de mou durant tout le dernier tiers du roman, exactement comme dans Ravage, de Barjavel. Quand les romans actuels portent sur une société Instagrammable ou sur les enfants rois de Youtube, la réédition de cette dystopie oubliée semble providentielle. Décrivant une population sans contact avec autre chose que les écrans, l'auteur, qui écrivait dans les années 1980, était visionnaire. Il pousse à l'extrême les dérives sous-jacentes de notre société et interroge : Qu'y a-t-il au bout de notre logique d'individualisme et de technologie à outrance ? J'ai peu d'expérience en la matière mais je trouve que son texte a bien vieilli. Il est effrayant de découvrir ce que pourrait devenir notre futur... Des gens qui ne lisent plus pour ne rien ressentir, ne pas s'interroger, ne rien vouloir savoir et s'abrutir d'images. Si tout le texte possède une forte valeur symbolique, la parabole finale, de toute beauté, en fait une jolie fable. Symbolique mais pas simpliste, dans la mesure où le lecteur ressent des sentiments ambivalents pour ces robots que l'on nous rend attachants. Signe que l'humanité finit toujours par (re)prendre le dessus sur les machines. C'est du moins ce que l'on voudrait croire. Cette lecture invite en tous cas à redonner à l'humain la place centrale dans le contrôle de sa vie.


(A voix haute) : Hey, Google, publie cette critique sur mon compte babélio !

S'il te plaît.

Hey Google, non finalement laisse, je vais le faire moi-même...

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