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Critique de eterlutisse


J'ai acheté Infernet suite à une rencontre avec Pacôme Thiellement et son éditeur organisée par la librairie Goulard, à Aix-en-Provence. Je ne connaissais pas l'émission qui a précédé le livre et qu'on peut visionner sur Youtube sur la chaîne de Blast.
Infernet présente le côté blackmirror des réseaux sociaux : des moments où la vie de ceux qui les utilisent a dérapé en -grande- partie à cause d'eux.
Pacôme Thiellement est un conteur fabuleux. Je n'ai à priori pas d'appétence pour les histoires sordides et pourtant j'ai dévoré les pages d'Infernet. Chaque chapitre raconte un personnage, issu d'une personne réelle, il sait redonner à chacun son humanité en apparence perdue. Il nous explique comment leur présence en tant qu'avatar sur le Net a servi de catalyseur pour les faire basculer dans la folie.
Mais, ce qui m'a vraiment intéressée c'est la réflexion sur notre société que l'auteur en tire, ce que chaque récit nous apprend de l'animal social si particulier qu'est l'humain.
En refermant se livre, il semble qu'on devrait se dire qu'on a envie de contact, d'interactions réelles avec d'autres humains. C'est sans doute ce que vous inspirera cette lecture.

Comme Pacôme Thiellement, j'ai fait un burnout des réseaux sociaux il y a quelques années. Pour moi, perdue avec mes intérêts spécifiques dans une société qui n'en a rien à faire, coincée dans la vanité des conversations sur le temps qu'il fait, les réseaux sociaux ont été comme un Eldorado… Après mon breakdown j'y suis revenue, à pas feutrés et prudents, en prenant garde de ne pas trop m'y investir.

Et pourtant... Il y a moins d'une semaine j'ai eu la velléité de m'y réinvestir totalement. Car, c'est l'arme de sociabilité massive qui me permettrait de trouver un lectorat pour mes romans m'a expliqué une conseillère en communication. Elle m'a détaillé comment il faudrait que j'utilise les codes propres au réseau social visé pour produire des contenus très régulièrement afin de fidéliser une communauté qui me soutiendrait. Pour cela il faudrait m'y montrer « comme tout le monde » avec des contenus anodins pour créer une impression de proximité sans trop montrer ma véritable intimité. L'objectif qu'elle m'avait proposé était de m'insérer dans le hashtag booktok sur TikTok. Je suis donc allée voir pour y intégrer ces fameux codes : on y présente son livre en montrant la tranche, il faut visiblement que le livre soit très épais, on ne parle pas vraiment du livre mais de l'effet qu'il a eu sur soi, ou de son achat… Non, je ne peux pas faire ça ; je ne trouverai jamais de lectorat ! Être sur les réseaux pleinement comme l'explique Pacôme Thiellement c'est incarner un avatar et je ne peux m'y résoudre.

Au cours de la discussion une participante a évoqué l'idée d'imaginer un futur où l'utilisation des réseaux sociaux serait plus saine. Je n'ai pas osé lever la main pour partager mon expérience ; tout le monde semblait déjà assez plombé par la réalité. Mais, mon fils de 13 ans a déjà trouvé sa « solution » pour ne pas être affecté par les réseaux sociaux : il les utilise comme des réseaux non-sociaux ou méta-sociaux : son compte quasi-anonyme lui sert à faire des records de vues en postant des moments de « vie » de son personnage sur GTA. Il a tout un tas de techniques ésotériques pour parvenir à ses fins et m'annonce fièrement ses performances…

Vers la fin, Pacôme Thiellement a évoqué la nécessité d'imaginer des utopies pour inspirer un futur différent. Mon intérêt spécifique number one a le vent en poupe depuis quelques années et maintenant il surgit de tous les côtés, un véritable ouragan ! J'étais aux anges, peut-être en fera-t-il le sujet d'un prochain essai.

À part un court passage où Pacôme Thiellement surpique du drama concernant Instagram en écrivant « Mais nous savons aussi que, plus nous essayons d'influencer les autres par notre style de vie, plus nous nous mettons en danger de mort. » j'ai adoré ce nouvel essai.

Il décrit les relations qu'on entretient avec les autres sur les réseaux sociaux comme je décrirais les relations qu'entretiennent les gens dans le monde réel. Est-ce dû à mon autisme ou aurais-je la même analyse si je ne l'étais pas ?
Je ne trouve pas le fonctionnement des réseaux sociaux très différents de la vie réelle sauf que tout le monde y est autiste c'est-à-dire sans accès au signifiants non-verbaux qui permettent habituellement aux neurotypiques de juger du degré de sincérité de leur interlocuteur. Les gens dans la vie réelle jugent leurs semblables à l'aune de leur adhésion à la norme ambiante ; ça n'est pas différent. La différence sur les réseaux sociaux c'est qu'on peut plus facilement tricher pour apparaître normé. Les burnout des neurotypiques sur les réseaux sociaux sont des miroirs des burnout des autistes en masking permanent dans le réel.
Les réseaux sociaux sont une caricature du réel où les relations sociales semblent souvent se résumer à une lutte entre égos prosélytes.




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