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Critique de Seraphita


Nick Corey est shérif de la petite bourgade de Pottsville qui compte 1275 âmes, au fin fond de l'Amérique. le shérif n'est pas au mieux de sa forme : un souci le mine, il en a même perdu l'appétit. Il se décide à aller voir Ken Lacey, un shérif d'une bourgade plus importante. Des conseils de Ken vont découler bon nombre de violences… La noirceur s'abat sur Pottsville.

« 1275 âmes » constitue un grand classique du roman noir écrit dans les années 60 par Jim Thompson, classique que je voulais découvrir.
Le but de l'auteur était de mettre en lumière la noirceur de l'humanité, notamment à travers la peinture du shérif Nick Corey, un être paresseux, fourbe, malhonnête, menteur, violent, manipulateur et cynique, qui occupe une position de pouvoir dans une petite bourgade de l'Amérique profonde.

« - Je vais te dire quèqu'chose, oncle John. Ecoute bien, et que ça te soit une consolation : chacun tue ce qu'il aime.
- V… Vous m'aimez pas, m'sieu Nick.
A quoi je réponds qu'il a bougrement raison. Je n'aime que moi, sacré bon sang, et je continuerai à mentir, à tromper, à boire, à forniquer et à aller à l'église le dimanche avec tous les gens respectables. » (p. 138)

Le rapport de Nick Corey avec les femmes (son épouse Myra, une véritable harpie, ses maîtresses manipulatrices) est empreint de cette même noirceur, de ce même cynisme.

Le style de l'oeuvre est très cru, argotique, Thompson n'hésitant pas à aligner les mots grossiers. L'humour noir est présent, alternant avec des scènes d'une rare violence physique et morale. le passage avec oncle John, un noir, est révélateur et terrifiant :
« - Et je vais te dire aut'chose, oncle John. Une chose bougrement plus censée que la plupart des paroles de l'écriture qu'on m'a fait lire. Mieux vaut l'aveugle, oncle John, mieux vaut l'aveugle qui pisse par la fenêtre que le farceur qui l'y a conduit » (p. 138)

« 1275 âmes » explore aussi la dimension du racisme, notamment dans les campagnes de l'Amérique profonde. Ainsi, lorsque Nick explique que Pottsville compte 1275 âmes, soit 1275 habitants, Buck, le collègue de Ken Lacey, le reprend :
« Comprenez, Nick, ces 1275, ça serait en comptant les nègres… que ces sacrés législateurs yankees nous forcent à compter… Et ces nègres, ils ont pas d'âme. Pas vrai, Ken ? » (p. 32)
Voici une bourgade où les noirs ne comptent guère.

L'auteur propose une réflexion sur la posture de pouvoir qui aliène et rend violent.
« Je suis entré dans cette maison, dans celle-ci et dans des douzaines d'autres pareilles, peut-être plus de cent fois. Mais jamais auparavant je n'avais réalisé ce qu'elles sont. Pas des foyers, pas des endroits où les gens peuvent vivre, non. Exactement rien. » (p. 225)

La lecture de ce livre m'a paru plaisante, en raison de l'humour noir et du style particulier, très oral et argotique, mais j'ajoute un bémol pour la fin, un peu trop rapide à mon goût. Je vais poursuivre ma découverte de cette oeuvre en lisant le livre de Jean-Bernard Pouy : « 1280 âmes » (le titre original du « 1275 âmes » français est « Pop. 1280 » : où sont passées les 5 âmes après traduction ?).
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