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Critique de BiblioJoy


Ru : petit ruisseau, écoulement (d'eau, de sang, d'argent).
"Elle était très vieille, tellement vieille que la sueur coulait dans ses rides comme un ru qui trace un sillon dans la terre".
Ru : berceuse en vietnamien.
"Ce goût d'huile dans la gorge, sur la langue, dans la tête nous endormait au rythme de la berceuse chantée par ma voisine".
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Ru est un récit composé de très courts chapitres, fragments du parcours de vie atypique de Kim THUY, auteure qui a quitté son Vietnam natal à l'âge de 10 ans avec d'autres boat-people ; elle vit aujourd'hui au Canada.
Elle nous confie avec émotion et réalisme ses souvenirs chargés de souffrances et de déracinement dans une narration à la chronologie entremêlée.
Depuis sa naissance dans une famille aisée durant l'offensive du Têt avec l'arrivée des communistes - pays alors divisé en deux : côté Sud les proaméricains, côté Nord les communistes, et la fuite de "boat-people" en passant par le camp de réfugiés en Malaisie, jusqu'à l'accueil dans le froid du Québec.
A travers des évocations olfactives, visuelles, émotionnelles, des repères lourds de sens, marquants à tout jamais, de moments tragiques ou miraculeux - sordides, de temps de guerre ; drôles, à l'arrivée au Québec ; ce récit représente les lueurs d'espoir à l'horizon - feuilles rougeoyantes des érables "où une main tendue n'est plus un geste, mais un moment d'amour", et aussi les cicatrices indélébiles.
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Un hommage aussi à ces femmes qui portent sur leurs épaules, telles des marchandises, tout le poids de leurs propres blessures et des traumatismes de leurs maris, leurs fils, le dos arqué, tellement affligées.
"on oublie souvent l'existence de toutes ces femmes[...]très souvent, elles se sont éteintes ainsi sous cette lourdeur, dans le silence".
Humiliations, dépossessions... Puis devoir tout réapprendre, jusqu'à apprendre à ce qu'aimer veut dire.
"J'avais oublié que l'amour vient de la tête et non pas du coeur. de tout le corps, seule la tête importe. Il suffit de toucher la tête d'un vietnamien pour l'insulter, non seulement lui mais tout son arbre généalogique".
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Ecriture tranquille, acérée, aux phrases lourdes d'émotions, qui nous plonge dans le vécu de ces exilés, réfugiés apatrides, survivants.
"La vie est un combat où la tristesse entraîne la défaite".
Une belle découverte littéraire.
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