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Critique de Sonny18


Marcelle Tinayre arrive en Turquie en 1909 au moment de la révolution des jeunes turcs et la destitution du sultan sanguinaire Abdülhamid II remplacé par Mehmed V.

Elle souhaite découvrir la Turquie, la vraie Turquie!

Grâce à ses rencontres et quelques protecteurs, elle pourra circuler dans la ville, visiter de nombreux lieux, approcher les combattants et rencontrer de nombreuses personnalités issues de différents milieux telles que des infirmières, des institutrices, un écrivain, des femmes de milieux aisés…

Elle nous en retranscrit l'état d'esprit, l'ambiance, les difficultés rencontrées mais aussi les nombreux espoirs de liberté tant politique que religieux des hommes mais surtout des femmes.


La préface d'Alain Quella-Villéger m'a fait peur. le style est lourd, indigeste mais heureusement le style de l'auteure, Marcelle Tinayre, est bien plus agréable et fluide.

Le livre, sous forme de journal, est divisé en 4 parties :
- les jours de bataille et de révolution,
- les choses et les gens de provinces,
- les premiers jours d'un nouveau règne,
- la vie au harem.

La lecture a été très plaisante, les descriptions sont nombreuses et détaillées et nous plongent dans le quotidien de l'auteure durant son séjour.

L'auteure étant une femme, elle nous donne une vision plus douce de la révolution et de ses atrocités que celle qu'en aurait faite un homme et nous évite certainement des descriptions d'horreur.

De plus, elle s'attache à évoquer la condition de la femme orientale afin que nous puissions la comparer à la femme occidentale.
Elle nous décrit ainsi les espoirs des femmes qui veulent s'instruire et faire évoluer leurs conditions sans se résigner, sans rester enfermées dans leur statut de femme de l'ombre, invisibles, aux yeux des hommes et de la société, cachées derrière leur caffess, sous leur Tcharchaf ou dans leur harem. Les femmes rencontrées sont souvent avides d'instruction tandis que d'autres, par méconnaissance ou par crainte de l'avis de leur mari et de la société, préfèrent ne rien changer à leur vie et restent dans l'ignorance du monde qui les entoure. Ce statut de la condition féminine hors d'Europe intrigue cette femme cultivée et indépendante.

J'aurais aimé que l'auteure nous décrive plus en détail la vie des femmes et notamment celle des harems. Je m'attendais également voir évoqué les grands harems des sultans comme celui que l'on peut visiter au Palais Topkapi d'Istanbul. Il semble néanmoins qu'elle ait tenu à ne pas divulguer certains échanges afin de préserver ses interlocutrices mais aussi parce que l'époque durant laquelle a été rédigé ce récit imposait une certaine retenue.

Ce livre montre la soif de changement de la Turquie et sa volonté de s'émanciper vers le monde occidental mais aussi les prémices de la révolution d'Ataturk vers la laïcité et la liberté de chacun. Il nous montre aussi la fragilité de ces espoirs et me fait m'interroger sur cette liberté que nous souhaitons tous et qui est si fragile, toujours remise en cause, aujourd'hui encore, au nom de la religion.

Pourquoi la femme, peu importe la région du monde où elle habite, ne mérite-t-elle pas l'égalité avec le sexe masculin? Qu'ont les femmes, que font-elles qui autorise les hommes à limiter leurs droits dans leur corps et leur volonté ? Pourquoi les femmes doivent-elles se cacher du regard des hommes ? Ne savent-ils pas contrôler leur désir au vu d'une femme qui leur paraît séduisante? En quoi la "condition" de la femme fait qu'elles soient payées moins que les hommes?
Une femme tout comme un homme peut soulever des montagnes, faire des travaux pénibles, élever des enfants, réfléchir, penser, agir, fédérer, diriger...
Je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre 1909 et aujourd'hui avec la dégradation ou la suppression de ce que nous pensions acquis au nom de la politique ou de la religion et ce quel que soit la région du monde.

Ce livre, agréable et bien écrit, est toujours d'actualité un siècle plus tard… et les libertés que l'on espérait et obtenues, que l'on pouvait penser acquises, ne le sont pas. Nous sommes dans un éternel recommencement.

Je remercie Babélio pour sa masse critique mais également les Editions Turquoise pour cette belle découverte … il semble que vous en ayez bien d'autres encore, alors je vous dis à bientôt!
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