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Critique de hcdahlem


Huis-clos à 10700 mètres

Version moderne de l'unité de lieu, Caroline Tiné a imaginé avec «Tomber du ciel» un huis-clos à bord d'un A-380. Introspection, rebondissements et étonnant épilogue à la clé.

C'est une histoire de ciel. de ce ciel où est partie bien trop tôt la mère de la narratrice, la laissant avec la nostalgie de son parfum, ses robes indiennes et sa liberté. de ce ciel dont elle imaginait tomber quand elle était enfant, après la séparation de ses parents. Elle devait alors prendre l'avion seule pour rejoindre la côte ouest où vivait désormais son père, augmentant sa peine et son désarroi. de ce ciel aussi qu'elle a choisi de dompter en devenant hôtesse de l'air, préférant une vie dans les nuages à cette terre ingrate: «Désormais, quand je vole, je deviens avion. Et je déguste ce moment privilégié où le relief cède la place au rien. Être si près du ciel m'a permis de comprendre qu'on ne peut pas tout comprendre. Que l'infini existe ».
C'est enfin de ce ciel qu'elle veut faire entendre sa voix. Elle a pris l'habitude d'écrire sur son ordinateur portable quand elle est au-delà des nuages et elle va profiter des quelque treize heures de vol entre Paris et Singapour pour conclure le récit de sa vie, de ses voyages et de ses rencontres. Tout comme cet Airbus A-380 qui effectue l'un de ses derniers voyages, elle entend boucler la boucle.
L'ambiance semble du reste parfaitement s'adapter à son objectif. Elle connaît très bien l'avion, mais aussi une partie de l'équipage, en particulier l'hôtesse et le co-pilote. Et son entourage semble parfaitement paisible. Mais même à plus de 10000m d'altitude, il faut se méfier des apparences…
Caroline Tiné nous réserve quelque surprises, mêlant habilement l'histoire de Talitha à celles de quelques passagers qui la côtoient. Saul, le copilote, est en pleine dépression. Après avoir appris que l'avion qu'il avait appris à maîtriser à la perfection cessait son exploitation commerciale, «il s'est senti tomber du ciel, descendre aux enfers, comme une bête malade sur le point d'être achevée». Un état d'esprit loin d'être rassurant pour les passagers dont il a la charge.
On imagine que Marie-Ange Leroux, spécialiste des objets d'art et des transactions dans les port-francs, est de meilleure humeur. Ne vient-elle pas de signer un contrat de travail à Singapour qui lui assure un bel avenir? Elle n'est cependant sûre de rien et, à l'image des feuilles de son contrat qui s'envolent lorsque des turbulences secouent l'appareil, son équilibre est instable. D'autant qu'elle essaie d'oublier une déception sentimentale. Sans oublier le petit chien qui voyage dans son sac à main.
Leïla, assise un plus loin, observe avec avidité ses voisines. Son sport favori consistant à deviner qui se cache derrière les visages de ses voisins. Atteinte du syndrome d'Asperger, elle calcule et déduit, ira jusqu'à télécharger le contenu de l'ordinateur de Talitha pour en savoir davantage sur ce qui se trame dans cet avion et rêve de visiter le cockpit. Reste Anil Shankar, l'homme qui a pris place au bar, et qui va être victime d'un malaise alors que les turbulences s'aggravent.
Autant de destins individuels désormais liés dans ce roman choral que la romancière va prendre un malin plaisir à faire ricocher de l'un à l'autre comme une boule de billard à la trajectoire de plus en plus aléatoire. Car il semble bien que toutes les tentatives faites pour reprendre le contrôle de leur existence soient vouées à l'échec. Il est vrai que tous ont quelque chose à oublier…
Sans dévoiler l'épilogue de ce roman, on dira que même la destination finale du voyage sera remise en question, confirmant ce que disait Christophe Colomb il y a déjà quelques siècles: «On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on va». Caroline Tiné nous en apporte ici une belle démonstration.


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