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Critique de KSalem


Je l'ai lu deux fois.
On pourra vous dire que le lire un bouquin deux fois, c'est pour s'en rappeler, qu'on l'a tellement bien aimé que la lecture de ses mots vous manque sitôt fermé.
On pourra vous dire, aussi, que lire un bouquin une fois, c'est déjà bien. Et parfois, comme ici, déjà bien assez.


C'est que je me suis sentie conne une fois le livre clos. C'est un truc qui m'arrive dans plein d'aspect de ma vie, de me sentir conne, mais qui est rarement survenu à la fin d'une lecture de roman (quoique) en tout cas beaucoup moins souvent qu'après avoir regardé le JT. En général un livre, il me laisse déçue, vide de rien et de tout (qu'en gros j'y ai pas senti fourmiller grand chose) ou il me fait me poser des questions, plus que de m'offrir des réponses, ou alors il m'apprend plein de trucs, sur moi-même, sur mes pensées, sur ce que je pensais pas capable d'aimer, sur la trame de l'histoire ou des personnages, sur le monde, sur le rien, le vide de tout comme t'haleur, plutôt antagoniste dans l'idée, mais au final ça t'a changé. Je crois qu'un livre c'est surtout ça, quand c'est bien fait, ça vous change.
Me laisser con, ça a rien changé chez moi. Au fond, j'étais ptétre pas le public visé.


Le livre, il répond au cahier des charges du genre dans sa forme. C'est malin comme ça marche, les choses du marketing. Tu vois le bagne en fond, noir et blanc, il surplombe, il veut dire, tu t'aventureras aussi, peut-être, comme moi, à lire les premières pages du très communément nommé prologue, et tout ceci est excellent. Dans la papeterie de l'aéroport, la plus grande escroquerie littéraire, les gens passent, avec leur lourdeur, celle de leur valise, remplis de rien, de tout, là aussi, (les gens, mais les valises ça marche aussi) d'assez pleins de leur vie, la voix annonce, l'heure des départs, des venues, tu lis les premières pages d'un livre à la couverture noire et blanche (c'est terrible, le noir et blanc, ça gomme les couleurs pour mieux accrocher les formes) je me dis alors que c'est un livre qu'il me faut, qu'à la fin de mon vol d'une durée de deux heures j'aurais le sentiment intime d'avoir atterri ailleurs, puisque c'est la vocation des mots, te faire voyager alors que t'as les deux pieds vissés sur terre - chose qu'un avion peut pas se targuer de faire, lui.
Je m'étais quand même un peu méfiée des phrases, blanches, sur le noir et blanc. Beaucoup de distinctions, je me méfie des distinctions comme de la confiture.
Mais je me suis dit que le résumé parlait, que le prologue il disait aussi, alors le reste pourrait bien m'en dire un peu moins ça pourrait pas être mauvais.

Déjà, sache que c'est bien narré, afin de sonner salement beau dans ce gourbi, par toutes les tournures de phrases qu'un jury trouvera d'honorables - si cela ne suffirait pas, l'emploie du présent remédie à tout. En cela, j'admets les qualités d'écriture de Tixier. Il nous cuisine le morceau, sur une face puis sur l'autre, le retourne tellement de fois qu'à défaut de vous écoeurer, c'est indigeste.

Ce qui revient, en permanence, j'ai noté les rots, crachats, pets, merde, semence, sang, pus, d'autres que j'ai dû oublier, sous une couche de brûlé on oublie la couleur. Ah oui, les couches de bébé, j'oubliais c'est salement dégueulasse, et puis c'est triste des bébés, histoire de tout jeter dans l'eau du bain (qu'est impropre, on l'aura compris)
Est-ce que ça retourne ? Est-ce que ça vous touche ?
Une couche de bébé sale -ou une sale couche de bébés, dans les deux cas ça se vaudra ici, ça m'a jamais touchée outre mesure, même je connais pas le prisme du dégoût de l'humanité, je me dis que y'a bien une tonne de monde qui a fait des bébés.

Le seul unique procédé capable d'engendrer du dégoût sur cette histoire, donc, c'est la vision sale de ses habitants.
L'impression que la campagne, elle est rustre et arriérée, que c'est le véritable sujet de l'histoire, en réalité, pas le bagne, pas la vérité, mais un lien de logique qui dira que les aliénés engendrent des aliénés (à force de les avoir pas bien traités) comme si l'auteur portait à lui tout seul une haine viscérale pour ces contrées du passé. Les histoires, les faits, les scènes, l'injustice de l'époque, c'est survolé, pas le thème, peut-être le thème du résumé, de la couverture du livre noir sur blanche (comprendra qui voudra), du prologue, en tout cas pas de ces mal-aimés.

Le récit, il gravite autour de la bestialité humaine dans un village de paysans rustres, et c'est tout.

L'indignité ne se ressent pas : les victimes sont des fantômes ou des sujets qu'on regarde de loin. Les seuls malheureux dont on suit le périple, s'accommodent étonnement bien de leurs mauvais traitements.
Reste donc que l'odeur puante, relâchée incessamment, fouettée par les non-dits de ce peuple de cinglés.

Est-ce une intention louable ? Je suis pas là pour juger de l'oeuvre en soi comme l'a fait le jury, alpagué par un cahier des charges, j'y vais de mon ressenti, le seul que j'ai, un petit coeur, des pensées, pas plus, pas la prétention, ni la culture assez louable pour dire c'est quoi qu'il faut écrire. Mais si le ressort du livre est d'exprimer, avec l'exemple du passé, la France profonde qu'on voulût enterrer, et qu'elle passe, elle aussi, par de plein d'institutions qui sont tout aussi méchantes que le reste, à monter qu'on est tous bien des salauds sur terre, je voudrais pouvoir lire, à défaut de regarder, plus qu'un négatif sur une pellicule sale.
Ce cliché, loin d'être assumé, est la ficelle principale du récit.
Pas de rappels historiques, soit, pas d'explications trop poussées sur les victimes, présentes ou passées, o.k, mais arriver, au delà de tout ça, à ne raconter rien qu'une photo noir et blanc, et chercher à vous faire ressentir des émotions au seul moyen du noir, qui fait crâcrâ, et du blanc, qui fait très beau, c'est plus que la berlue, c'est de la manipulation.

L'église est toute méchante (puisque la religion, c'est uniquement pour les philistins extrémistes) Les hommes et les femmes, hideux et hideuses physiquement, sont hideux et hideuses à l'intérieur (c'est automatique). Les personnages sont génériques,interchangeables.


La seule pureté dans ce paysage grisâtre, c'est une jeune fille si immaculée qu'elle s'appelle "Blanche" (je déconne même pas) Puis, elle est physiquement très belle, alors elle est très belle à l'intérieur. Une jeune femme, au passage, si esquintée depuis son enfance qu'elle a gardé, au contraire de tous les autres habitants, sa superbe et son équilibre mental, ça lui permet, par exemple, de pouvoir ressentir de la peine, pour un cheval, et aussi pour les pauvres bagnards du passé (on les aurait presque oubliés, avec tout ça !), rappelant "ces beautés citadines qui ont reçu une éducation" du coup, il est quand même important d'indiquer que tous les rustres de cet univers rêvent de la sauter.


Si la personne est mauvaise, elle sera ridicule ou moche, ou les deux.
Si elle n'a rien d'identifiable, elle sera fade.
Si elle est gentille, elle sera belle, voire méga bonne (au pays des beaufs, restons courtois.)


Mais c'est logique, me direz-vous, car le procédé du récit se basant exclusivement sur le visuel, comment faire naître chez le lecteur de la sympathie ou de l'horreur autrement ? L'auteur s'enferme lui-même dans sa technique, un peu comme sous un château de cartes, qui n'aura d'autre choix que de se casser la gueule à la toute fin, mais qu'il ne peut s'empêcher de terminer. - ne serait-ce que pour le montrer à un concours, au milieu de plein d'autres cartes qui se posent.

Cherchez pas de révélations, de gros dossiers, d'ailleurs, c'est pas le but, pas le sujet. le bagne est visible de loin, comme sur la couverture, c'est assez pour effrayer cette ouaille de consanguins (n'oubliez pas que nous sommes à la campagne)
Un moyen pratique pour rajouter, dans ce fameux cahier des charges, l'effet voulu, encore une fois visuel. Des trucs bizarres qui se passent ? Comme dit sur le résumé ? Lesquelles ? Trois feux de camps, des brebis en méchoui, et c'est déjà la fin.


Pour le reste, on en revient essentiellement à Blanche, qu'elle est bien bonne Blanche... je veux dire, vertueuse, car docile, et belle, un peu curieuse mais tout en sachant rester à sa place, c'est normal puisqu'elle est une gentille victime, au même titre que le seul garçon gentil, qui doit pas être vilain non-plus et qui bande, c'est normal, pour Blanche.


Sinon : juste un filet de sept lignes courtes, au début de chaque chapitre, registre des vrais adolescents morts dans ce bagne. Histoire que ça nous rende triste, quand même.
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