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Critique de Rickola


Premier élément qui frappe dans Ranking of Kings, dès la couverture, c'est son rapport à l'enfance et au conte. La jaquette, de toute beauté, est déjà porteuse d'un imaginaire de fantasy jeunesse qui parle d'emblée, et la présence d'un héros enfant chétif renforce cet aspect. Et ça tombe très bien, car c'est vraiment quelque chose qui me parle. Précisons quand même que le manga est catalogué en seinen au Japon, et Ki-oon a choisi de le mettre dans sa collection Kizuna, dédiée à tous les publics. La série va s'achever au Japon avec son 13e tome en avril, et la traduction française est de Sébastien Ludmann, et j'ai particulièrement apprécié certaines formulations désuètes, notamment le terme « frusques ».

Nous suivons donc le jeune prince Bojji, sourd et muet de naissance, qui mène sa vie joyeusement dans le royaume de Bosse. Alors qu'il est l'héritier légitime du trône du fait qu'il soit l'ainé, la plupart lui préfèrent son petit frère le prince Daida. Mais Bojji a très bon coeur, et va se lier d'amitié avec une mystérieuse ombre à qui il donne ses vêtements avec plaisir. Cette dernière décidera donc d'aider Bojji à atteindre son rêve : devenir le meilleur des rois, car il existe un classement des rois dans cet univers de fiction (Ranking of Kings signifiant littéralement « Classement des rois »).

Première chose : je trouve l'idée du personnage principal sourd et muet vraiment très pertinente dans le cas d'un manga, car cela oblige l'auteur à revenir à l'essence visuelle du médium, ne pouvant pas se reposer sur les mots concernant Bojji. Et pour le coup, Sosuke Toka s'en sort d'emblée avec les honneurs. Il rend son jeune prince très expressif, travaillant très bien les expressions du visage, mais surtout, il accentue la pantomime de Bojji afin de faire passer les émotions de l'enfant par ce biais.

Une idée qui est rendue d'autant plus saisissante lorsque l'on a des enfants (d'où le fait que je me questionne sur le fait que le mangaka ait des enfants), car il y a dans la gestuelle de Bojji une vraie authenticité par rapport à la façon dont les enfants (surtout très jeunes) bougent et expriment physiquement certaines émotions. On le constate de façon évidente notamment lorsque le jeune garçon fait une colère et tape des pieds et des mains. du fait de son incapacité à exprimer avec des mots ce qu'il ressent, il l'exprime en gestes exactement comme les très jeunes enfants. C'est plus que brillant et cela témoigne selon moi d'une grande maturité en tant qu'artiste, réfléchissant énormément le lien entre l'histoire, l'esthétique et la profondeur thématique.

Et c'est loin d'être le seul point fort de ce premier tome, qui développe un univers de conte très charmant, avec des personnages très bien croqués et porteurs de déjà beaucoup de nuances, en particulier l'ombre, le père et la belle mère de Bojji (d'où encore une fois mes interrogations sur le rapport de l'auteur à la parentalité). Concernant le père, il y a d'ailleurs une séquence en fin de tome que j'ai trouvé absolument bouleversante, capturant avec une force émotionnelle et une simplicité folle ce qui se joue dans la découverte de son enfant, exemplifiant à la perfection l'idée selon laquelle quand on devient parent, on devient une autre personne (ce que je pense profondément).

Ainsi, si je ne m'étend pas plus que ça sur ce que raconte ce premier tome, j'espère malgré tout avoir réussi à faire comprendre l'impact émotionnel de ce premier tome. Et surtout, j'espère que l'on ressent à quel point j'ai trouvé cette écriture brillante. Et elle est portée par une esthétique tout aussi enthousiasmante, même s'il y a pas mal à dire à ce sujet.

Revenons un peu en arrière, au moment où l'anime faisait énormément parler sur les réseaux, créant de grosses attentes concernant le manga. C'est alors que des petits malins ont partagé des illustrations du premier tome, afin d'expliquer en quoi c'est uniquement l'adaptation animée qui a « donné une carrière » au manga, expression très usitée dans le fandom manga. Remarque un peu débile car en général, c'est plutôt le succès qui implique une adaptation animée, et non l'inverse. Certes, le trait n'a pas énormément de détails, la perspective est parfois hasardeuse et, plus globalement, on peut trouver que le style de l'auteur n'est pas à notre goût.

Je dois même admettre personnellement qu'en voyant les images passer, j'ai eu peur de ne pas accrocher à cause de ça. Et force est de constater que très rapidement, je me suis fait à cette esthétique, et j'ai ensuite été vraiment conquis par la façon dont l'auteur met en scène Bojji et son univers, rendant les personnages extrêmement expressifs (voir ce que j'ai déjà dit sur la pantomime du jeune prince).

Et cette simplicité apparente dans le trait est payante en terme de clarté globale et d'ambiance. Comme on voit ce monde en partie à travers les yeux de Bojji, j'y trouve une grande cohérence en terme de fond et de forme. Et surtout, comme je l'ai déjà précisé en évoquant le mutisme du héros, le mangaka fait passer énormément de chose par son dessin et sa mise en scène, arrivant facilement à se passer de mots. Ainsi, l'esthétique appuie aussi la clarté de la narration globale du récit, notamment dans son travail sur le character design qui donne également beaucoup d'informations sur les personnages (notamment la belle-mère de Bojji, encore une fois un des personnages les plus fascinants de ce premier volume).

Vous l'aurez peut-être compris, si j'insiste autant sur l'aspect visuel du manga, c'est parce qu'il s'agit véritablement d'une réussite à mes yeux, malgré des craintes que j'avais de prime abord. Mais une fois rentré dans le récit, tout fonctionne à la perfection et le dessin est à la hauteur de l'intelligence de l'écriture globale.

Ainsi, j'espère que mon enthousiasme concernant ce premier volume de Ranking of Kings transparait dans mon article. J'attendais énormément cette nouvelle série de par son univers, son personnage principal et l'ambiance proche du conte que je m'étais imaginé. Et il a clairement dépassé toutes mes espérances, réussissant d'emblée à faire taire mes craintes quant à l'esthétique, intelligemment pensée et au service du récit qui nous est narré.

Mais surtout, en développant un cadre et des personnages directement attachants, et des thématiques fortes et procurant une émotion réelle, Sosuke Toka a réussi à tout de suite me conquérir. Nous n'en sommes qu'au tout début du mois d'avril, mais il est déjà évident que Ranking of Kings sera une des séries marquantes de 2022, tant ce premier tome est déjà suffisamment riche et brillant pour se hisser au-dessus de la concurrence. On en reparlera plus en détails quand les tomes suivants arriveront, mais pour l'heure, on tient là une série qui risque d'être marquante.
Lien : https://apprentiotaku.wordpr..
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