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Critique de 20thCenturyBoy


Dans la liste des livres publiés après la mort de Tolkien, ce qui revient à une grande majorité de son oeuvre, Les Enfants de Hurin fait figure d'ouvrage à chérir. Christopher, le fils prodigue, aura certes fait le boulot : au même titre que la dynastie Méliès qui s'évertue à collecter et restaurer les films de leur illustre ancêtre, le brave garçon est à l'origine de la récupération inestimable des manuscrits de son paternel, qu'il va probablement s'efforcer jusqu'à la fin de ses jours d'organiser et mettre en forme en vue d'une publication sur laquelle des fans omnivores en attente de chair fraîche se jetteront sans réfléchir. Et ils auront bien raison.

Or donc, réjouissons-nous ; ce n'est pas tous les jours que nous arrive de ces fonds de tiroirs un objet aussi agréable à lire que celui-ci. Déjà que le maître n'est pas réputé pour son style (ah, cette bonne vieille herbe à pipe des Hobbits, raison principale d'abandon de lecture du Seigneur des Anneaux durant les premières pages..), l'assemblage de documents n'arrange rien, et beaucoup se seront effrayés de l'aspect parfois trop "historique" du Silmarillion, par exemple, qui ressemble de loin à une énumération de personnages et d'évènements. Ces lecteurs peuvent se rassurer : Hurin et toute sa clique les attendent bien sagement au coin du feu. Aucune difficulté, l'intrigue est passionnante, le style est (quasi-) fluide, on avale des pages et des pages sans s'en apercevoir et on ne subit aucune note qui venait perturber la lecture des Contes Perdus ou des Légendes Inachevées. C'est pas Bilbo mais c'est pas loin.

Maintenant que le gros des ennuis est évité, que reste-t-il à défendre ? Nul besoin de vous décrire le plaisir d'effleurer l'aura qui transpire des écrits de Tolkien, qui tire autant ses sources des légendes nordiques kalevaliennes (adjectif que j'invente sans culpabilité particulière), de la Chanson de Roland, et particulièrement ici, même si l'auteur n'a jamais été très tendre envers ses créatures, de la tragédie grecque. Ah bah c'est sûr que faut pas lire ça quand vous n'avez pas le moral. On suit la vie entière de notre héros du jour, Turin Turambar, fils de Hurin, de son enfance insouciante jusqu'à sa mort (qui l'est un peu moins), parcourant la Terre du Milieu telle qu'elle l'était aux Jours Anciens, croisant sur son passage villages et cités, rois et reines, Elfes et Nains, bandits de grands chemins et dragons, et bien sûr trucidant des Orques à tour de bras, sinon ce n'est pas drôle. La variété des situations empêche tout ennui de s'installer, et les innombrables personnages secondaires sont savoureux, même si la psychologie ne fut jamais le fort de l'auteur : ne vous attendez pas à d'autres caractéristiques que l'amitié, l'envie, l'amour, la sagesse, etc.

Et bien sûr, la puissance provient particulièrement de l'environnement, du contexte, mais vous le savez aussi bien que moi : tous les noms de personnes, tous les lieux, tous les évènements évoqués et les divinités invoquées, toutes les références font partie d'un ensemble mûrement réfléchi et développé jusqu'au malsain. Les lecteurs étant passés par le Silmarillion, qui contient d'ailleurs une version réduite de ce récit (sur quelques dizaines de pages déjà titanesques, contre 250 ici), saisiront avec plaisir tous les renvois qui abondent presque à chaque page, les autres non, mais ce n'est pas un drame, puisque n'est-ce pas là l'une des qualités du SDA, de prendre place dans un univers où l'on sent que tout est pré-établi sans oubli ? Ainsi les premiers seront ravis de se replonger dans un conte extraordinaire de manière bien plus approfondie, et les seconds auront la chance de découvrir les Premiers Âges du monde dans un des ouvrages tolkieniens les plus abordables que je connaisse. D'autant plus que l'introduction explique suffisamment le contexte, alors un peu d'enthousiasme que diable !

Une réussite, parfaitement traduite qui plus est, abordant un grand nombre de thèmes, parlant de hauts faits héroïques et de vie dans les bois, de romance impossible et d'amitié trahie, de malédictions et de grandes batailles, susceptible de plaire aux connaisseurs et aux néophytes, qui vous offrira des visions saisissantes, accompagnées d'ailleurs par quelques superbes illustrations d'Alan Lee. Qu'attendez-vous ?
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