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Critique de Levant


Quand on parle de génocide, l'horreur nous glace le sang et on pense inévitablement à l'extermination du peuple juif par les nazis. Plus proche de notre époque, on évoque le génocide rwandais. L'un comme l'autre, même s'ils connaissent leurs négationnistes, cela reste des comportements isolés, et condamnables. Il en est un autre qui celui-là fait l'objet d'un négationnisme d'état et qui dans le concert des nations peine à faire reconnaître sa réalité, c'est le génocide arménien de 1915. L'éloignement dans le temps n'est pas la cause de ce manque reconnaissance. La cause est à rechercher dans le traité de Lausanne de 1923.

Cet accord qui met un terme à la première guerre mondiale dans cette région du monde sous la coupe de l'empire ottoman comporte entre autres clauses l'amnistie des crimes commis par les Turcs entre 1915 et 1922. Il ôte de facto aux Arméniens la possibilité d'engager des procès en reconnaissance du massacre de leur population, permettant à leurs bourreaux de travestir la destruction organisée d'un peuple en victimes collatérales d'une guerre civile.

Double peine pour un peuple minoritaire en son pays : un passé de martyr, un avenir d'oubli.

Valérie Toronian est la descendante du côté de son père de ces Arméniens qui ont dû fuir la Turquie pour échapper aux persécutions. Vivant à Paris dans la proximité de sa grand-mère paternelle qui a connu ces effrois et perdu toute sa famille, elle cherche à recueillir son témoignage pour faire échec à l'oubli organisé. L'étrangère est l'histoire arrachée au silence de cette personne au crépuscule de sa vie. Cet ouvrage est selon les termes de Valérie Toromian une reconstitution romancée de l'histoire d'une personne qui a vécu la tentative d'anéantissement perpétrée contre son peuple.

Ce sujet lourd est magnifiquement traité par cette auteure qui nous invite au coeur de sa famille. Il relate en termes dénués de tout esprit de vengeance la reconstruction d'une femme, sa grand-mère, qui tente par ses mots et gestes quotidiens de faire vivre une culture qu'elle sait menacée par son assimilation dans le pays qui l'a accueillie. Un pays dont la société, insouciante ou accaparée qu'elle est par ses propres déboires, ne cherche pas à connaître la cause de son expatriation. C'est une noble intention que celle de cette auteure de donner de l'audience au silence que s'est imposé sa grand-mère dans ce pays pour qui elle est devenue et restera une étrangère. Elle le fait avec conviction, sens de la filiation et beaucoup de simplicité, sans sombrer dans la grandiloquence larmoyante. C'est ce style qui est le plus à même de contrecarrer l'oubli institué. C'est très réussi.
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