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Critique de AquaKitsune


« La vérité, personne ne veut l'entendre… »

Et nous, en tant que lecteurs, sommes-nous prêts à l'écouter ?

Quelques mots sur la mangaka…

Akane Torikai débute sa carrière en 2004 en enchainant, dans un premier temps, une série d'histoires courtes. Elle publie sa première série, Ohayo Okaeri, en 2010 avant de marquer un tournant décisif dans sa carrière en 2013, année durant laquelle elle se fait remarquer dans le monde du shojo adulte avec deux séries : Onna no ie (la maison des femmes) et En proie au silence. Cette dernière marque les esprits de nombreux lecteurs, en fédérant certains, en choquant ou dérangeant d'autres.

Akane Torikai est une auteure engagée, partisane du féminisme. La mangaka Kyokô Okazaki la marque profondément durant sa jeunesse, représentant, pour elle, une femme forte et talentueuse au sein d'une société dominée par les hommes dans les années 90. C'est sur les pas de cette femme d'exception qu'elle décide donc de marcher.

Si Akane Torikai s'est bel et bien forgé sa place dans l'industrie « manga » japonaise depuis plusieurs années, ce n'est qu'aujourd'hui, en janvier 2020, que nous la découvrons en francophonie grâce aux éditions Akata, connues pour leurs nombreux titres engagés visant des problèmes sociétaires. Ces dernières ont décidé d'éditer En Proie au Silence, l'une des séries les plus emblématiques de la mangaka.

En Proie au Silence, de quoi ça parle ?

Misuzu Hara, une jeune enseignante de 24 ans, tente de survivre au sein d'une société qui lui semble inégalitaire et cruelle. Détruite par un viol 4 ans auparavant, elle tente d'avancer sans véritable enthousiasme, jonglant entre le désintérêt pesant de ses élèves et sa blessure douloureuse et omniprésente. Parviendra-t-elle à retrouver un équilibre dans une société qui la dévalorise tant ?

Mon avis…

Dès les premières pages, la couleur est annoncée. Misuzu expose cyniquement sa vision de la société. Celle-ci est divisée en deux groupes : les prédateurs et les proies. Elle nous annonce avoir toujours fait partie de ceux qui se font manger. Cette première réflexion nous plonge directement dans une approche de la société très sombre et inégalitaire.

Doucement, nous découvrons le quotidien de la protagoniste qui se dévoile crescendo, commençant par nous exposer les détails désagréables liés à sa carrière pour aller jusqu'à nous faire prendre conscience des abus graves dont elle est victime au quotidien. Misuzu souffre et se sent impuissante. Personne, pas même sa meilleure amie, ne pourrait ou ne voudrait l'écouter… Personne ne serait capable de l'aider… Elle se sent seule, incomprise, coincée dans une vie dont elle ne veut pas.

En tant que lecteur, nous assistons à des scènes graves dont certaines de viols, dépeintes avec violence… Une violence physique mais surtout psychologique. L'agresseur détient le contrôle sur sa victime, il l'humilie et lui fait comprendre qu'elle est impuissante, que sa meilleure solution est le silence, que se confier aggraverait la situation. La victime est utilisée comme un objet, coincée entre un chantage silencieux mais explicite exercé par son bourreau et la peur de représailles. le violeur met tout en place pour que la situation paraisse banale alors qu'elle ne devrait pas l'être. Misuzu le sait mais accepte cette souffrance telle une fatalité… L'homme est le supérieur de la femme, elle ne peut rien faire.

Ce premier volume au gout amer ouvre néanmoins une porte aux nuances pour la suite de l'intrigue. Entre l'introduction d'un jeune garçon victime des femmes, des lycéennes intolérantes aux magouilles douteuses et la fiancée du violeur qui commence à douter de la sincérité de ce dernier ; la suite s'annonce intrigante,intéressante, nuancée et dure. Tout comme au Japon, la série risque également de faire parler d'elle dans nos contrées, elle va choquer, remuer, brusquer ses lecteurs en pointant du doigt une vérité que la plupart essaie de ne pas voir ou de minimiser.

En ce qui concerne le coup de crayon, la mangaka nous offre un trait plutôt fin et net avec un travail tout particulier dans les émotions et expressions de ses visages qu'elle rend volontairement très froids et fermés. Les décors sont en général assez épurés et vagues. le découpage des cases est varié et dynamique.

Côté édition, Akata nous propose un très bel ouvrage pourvu d'une couverture douce au toucher, parsemée de petits triangles roses étincelants (des morceaux de ce qui a été brisé en la protagoniste probablement). de plus, l'illustration est inédite, elle a été spécialement réalisée par la mangaka pour l'édition française de sa série.

Conclusion…

En Proie au Silence n'est pas un titre à mettre entre toutes les mains. Il s'agit d'un manga qui traite de propos durs en mettant le doigt sur un véritable problème de société, d'une oeuvre qui fait réfléchir au sujet de ce dernier, au sujet des différences de genre. le thème est rarement abordé, surtout de manière aussi psychologique. Cela fait un bien fou de lire un titre engagé sur un thème aussi tabou et facilement boudé que celui-ci. J'attendais ce fameux manga depuis l'annonce de la mangaka sur Twitter et je dois dire que l'attente en valait la chandelle. Je suis tombée sous le charme, j'ai passé un excellent moment de lecture et j'espère pouvoir découvrir d'autres séries d'Akane Torikai d'ici quelques années. Bref, un premier tome très prometteur qui nous propose un thème et une approche rares au sein du large catalogue de mangas édités en France.
Lien : http://lekitsunelit.monespac..
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