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Critique de JustAWord


Révélée en France avec la série féministe En proie au Silence, la jeune mangaka Akane Torikai revient en langue française avec un bien curieux univers : celui du Siège des Exilées.
Écrit en 2017–2018, cette oeuvre atypique quitte complètement le cadre contemporain des précédentes oeuvres de l'autrice pour un monde futuriste et dystopique…mais qui ne renie pas pour autant le sujet de prédilection de la japonaise.
En deux tomes seulement, la nouvelle publication des éditions Akata surprend et fait longuement réfléchir son lecteur…

La fin d'un monde
Pour bien comprendre le caractère inhabituel du Siège des Exilées, posons les bases de l'intrigue. Nous sommes quelque part en Asie, à une époque indéterminée dans le futur. Ce que nous savons, c'est que l'humanité a vu sa fécondité chuter drastiquement et les hommes disparaître quasi-totalement.
De fait, nous faisons rapidement la connaissance de l'un de ces survivants, Reihô, qui monnaye ses services auprès de certaines dames riches et puissantes pour vivre de l'autre côté du fleuve qui sépare la ville anonyme servant de cadre à l'histoire.
Mais Reihô ne vit pas seul. Sanada, une jeune femme qui s'est enfuie de la Cité, a trouvé refuge en banlieue, chez Reihô. Comme lui, Sanada a un don très recherché. Il ne s'agit ni de ses longs cheveux plus doux que de la soie ni de ses talents d'acupunctrice hors-pair. Non, Sanada est marquée par le sceau… c'est-à-dire qu'elle a encore un cycle menstruel et qu'elle est capable de donner la vie naturellement.
En effet, dans l'univers du Siège des Exilées, la reproduction n'est plus naturelle mais artificielle, contrôlée par un conseil matriarcal qui s'est arrogé les pleins pouvoirs et qui emploie les hommes survivants comme des reproducteurs. Des reproducteurs qui, pour une raison inconnue, meurent tôt. Et lorsque ceux-ci ne peuvent satisfaire les critères pour la reproduction, ils sont simplement castrés chimiquement.
Akane Torikai va donc guider le lecteur dans un monde où les rôles se sont totalement inversés. Un monde ou l'injustice de la condition féminine a été réparée…en créant exactement l'inverse.

Orgueil et Justice
C'est de cette façon audacieuse et originale que le Siège des Exilées parvient à réfléchir sur la place de l'homme et de la femme dans une société qui cherche à contrôler leurs sentiments, leur sexualité, leur reproduction et leur façon de penser. En créant cet univers noir et complexe, à mi-chemin entre Les Fils de L'Homme et Y, le dernier homme, Akane Torikai réfléchit à la fois sur la condition féminine actuelle ET sur la façon d'y apporter une réponse. Celle-ci passe d'abord par la compréhension de l'autre et par une constante curiosité sur le sens même de l'existence (illustré par le personnage de Mirai) plutôt que par la mise en place d'un système totalitaire qui cherche simplement à se venger de l'autre sous prétexte de justice.
Malgré les inégalités et injustices subies, Akane Torikai s'interroge sur les personnes qui ne font que rechercher la justice peu importe la manière, cela ne révèle-t-il pas un orgueil mal-placé qui mène à reconduire l'injustice sous une autre forme ? de fait, supprimer l'homme ne supprime tout simplement pas la violence…
Complexe et parfois trop cryptique (les deux tomes laissent le lecteur avec pas mal de questions en tête), le Siège des Exilées se révèle aussi universel que fascinant, parsemé de personnages magnifiques et émouvants.

Oeuvre radicale et inattendue, le Siège des Exilées offre une réflexion complexe sur l'évolution des rapports hommes/femmes. Akane Torikai réussit l'exploit de parler de la place de la femme dans la société actuelle en l'illustrant par une dystopie matriarcale qui ne fait que reproduire de façon glaçante les violences subies par le passé.
Lien : https://justaword.fr/le-si%C..
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