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Citations sur Le mystère de la Chauve-Souris (10)

Brusquement elle eut un cri, un sursaut, le filet lui tombant des mains, et ses prunelles, immobilisées d'effroi, s'arrêtèrent sur un visage inconnu, blême, d'où jaillissaient avec une acuité, une pénétration d'instrument mortel, des regards semblables à des pointes d'acier fixées sur elle, pour ainsi dire dans sa chair, dans sa pensée. Dans la pénombre de la pièce, on ne distinguait un peu nettement que cette face pâle, tout le reste du corps si grêle disparaissant sous les plis du manteau sombre roulé autour des épaules et retombant jusqu'à terre.
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« Ar maro ièn !
– La mort froide ! »
C’est de cette épithète caractéristique qu’on souligne toujours la mort, en Bretagne.
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Ann hini goz.

La vieille est de pur sang breton
L'autre de Gauloise a le nom...

C’est la vieille qui est ma douce,
C’est la vieille qui l’est toujours !...

Nargue du Gaulois corrompu:
Dans sa peau le diable est cousu!

Nargue de la Gauloise aussi:
Son pied fourchu sent le roussi!

Berceuse :

Toutouic la la, mon petit enfant,
À te bercer, petit mignon,
Ta mère est ici, mon bel enfant,
À te bercer, petit chéri!...

Ta mère est ici, petit agneau,
Qui te chante une petite chanson.
L'autre jour elle pleurait dru,
Aujourd'hui, elle sourit, ta petite mère...

Toutouic la la, mon petit oiseau
Au beau milieu de ton rosier,
Pour t'envoler au ciel, mon petit ange,
Ne déploie pas ta petite aile...

Ho! ho! petit cheval blanc
Porte Pierrot à la messe!...
Ho! ho! petit cheval gris
Porte Pierrot à l'église!...
Ho! ho! petit cheval bleu
Porte Pierrot à la promenade.



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Avant qu’il eût achevé sa phrase et complété sa pensée, la porte, s’ouvrant toute grande sous un poing solide, livra passage à une sorte de géant aux larges épaules, aux grisonnants cheveux roux, courts et frisés dont les yeux bleu de mer mettaient comme des fenêtres ouvertes sur l’espace dans une peau tannée, couleur de cuivre rouge.[…]
« Kornéli, te v’là déjà de retour ! s’exclama Corentine.[…]
« Enfin, me v’là à meilleure heure que je ne pensais, avec les petits, quoi ! tous en bonne santé !... On est revenu, on est content et on va souper de fameux appétit ! »[…]
Les petits entrèrent à sa suite, se dandinant lourdement sous le poids de leurs bottes de mer.
- D’abord Alcide, l’aîné, ayant les six pieds de haut de son père, aussi fort, aussi large de poitrine, l’air placide et doux sous des cheveux blonds, ne paraissant pas ses trente ans révolus ;
– Hervé, autre colosse, châtain clair celui-là, l’œil brun, avançait une face violente rougie par le sel des embruns de l’Océan, des bras herculéens aux poings énormes ;
– la haute taille, la carrure épaisse de Loïz supportaient, sur un cou gros comme un mât, une tête ronde couverte d’une masse de cheveux noirs, et des yeux de goudron, brillant sous la double barre de sourcils touffus, complétaient sa ressemblance avec sa mère ;
– Yves, plus ramassé, n’avait pas la stature gigantesque de ses trois aînés et de son père ; il se rattrapait en largeur ; avec l’acajou sombre de ses longs cheveux et de sa barbe naissante, ce même reflet de feu qui s’allumait en lueurs rapides dans ses prunelles trahissait une certaine facilité à la colère.
Les vingt et un ans de Yan se voyaient dans sa sveltesse, sa peau plus blanche que celle de ses frères ; des nerfs d’acier soutenaient cette charpente qui n’avait pas encore atteint son complet développement et des yeux clairs illuminaient sa figure franche ;
– châtain aux prunelles grises, du gris breton des jours de brume, Alan, le suivant, souple, merveilleusement proportionné, paraissait plus petit qu’il n’était réellement à côté des géants ses frères, mais le granit de ses muscles valait celui des côtes de Bretagne ;
– le dernier, Pierrik, le mousse, cheveux roux et œil vert d’Atlantique, c’était Kornéli Troadec, tel qu’il devait être à douze ans.
Quand les petits, comme les appelait leur père, furent tous entrés, la salle, bien qu’assez vaste, sembla pleine[...]
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À cette première sensation d’effroi qu’elle avait ressentie, et dont elle était à peine remise, en voyant se dresser tout à coup devant elle, sans qu’elle l’eût entendu entrer, ce pâle visiteur, s’ajoutait en ce moment un second pressentiment, éveillé dans son âme superstitieuse de Bretonne, au choc de ce nom de l’Espervier ; malgré elle ses lèvres avaient traduit par le mot troublant de Ar Sparfel – l’Épervier – l’oiseau de deuil pour les gens de l’Armorique, celui qui frappe à la vitre pour annoncer que la mort est là, qu’elle rôde autour de la maison.
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Cette âme profondément superstitieuse de la Bretagne, dont ils n’avaient pu avoir qu’un assez faible aperçu, tant qu’ils étaient restés à Camaret, ils s’en étaient tout à coup sentis étroitement enveloppés, dès qu’ils avaient commencé à pénétrer dans l’intérieur des terres. Là, tout était encore resté courbé sous la sauvagerie primitive, et le souvenir dénaturé, mais persistant, des croyances druidiques s’y combinait étroitement avec les légendes chrétiennes, conservées presque intactes depuis le Moyen Âge et continuant d’asservir le pays.
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« Ils vous font froid dans le dos ces enragés de Bretons et on jurerait qu’ils fréquentent constamment tous ces fantômes, tous ces invisibles de la nuit, dont ils vous causent comme de connaissances à eux !... Ce ne sont pas les vivants qui me feraient peur, bien sûr, mais ce sont les autres !... Je n’entends pas grincer une roue de charrette, sans craindre de tomber sur leur satané Chariot de la Mort conduit par un squelette grimaçant, leur Ankou comme ils disent !... Je ne regarde plus une haie d’ajoncs, sans penser y apercevoir, ainsi qu’eux, tout un tourbillon d’âmes !... Sans compter les mauvaises rencontres, les lavandières, les nains, les géants, tout un tas de mauvais monde !... Ah ! non, j’en ai assez !... »
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« C’est une croix sur un menhir ! »
D’une image commune en Bretagne et frappant facilement les yeux, ils avaient ainsi admirablement expliqué l’âme pénétrée de superstitions, de croyances diaboliques et de pure foi chrétienne de ce recteur breton, également impitoyable pour la Révolution, pour tous les ennemis de Dieu, naturels et surnaturels, pour les Bleus qu’il confondait dans la même haine que Satan, les fées, les korrigans et tout ce peuple flottant des nuits armoricaines auquel il croyait comme le dernier des paysans.
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De son gosier s’envolait, en réponse, l’air séculaire de la Bretagne, dont les notes venaient gronder mélancoliquement jusqu’au fond des grottes :
Ann hini goz eo va dous,
Ann hini goz eo va zur !...
Elles sonnaient tendres et vibrantes les syllabes éternelles qui chantent l’indestructible amour du vieux pays breton, comme caractérisent sa force l’éternel granit et le grès éternel des côtes armoricaines:
C’est la vieille qui est ma douce,
C’est la vieille qui l’est toujours !...
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Dans ce prêtre simple, resté paysan et naïf, deux hommes se heurtaient, en effet, que les évènements avaient constamment mis aux prises : - l'être charitable, pieux et bon, formé par la religion, par le sacrifice à ses semblables, et le partisan implacable que la Révolution, dès le début, en 1792, alors qu'il n'avait encore que vingt-huit ans, avait vu se dresser en face d'elle, contre elle, pour la défense de l'Autel et du Trône.
Mais il y avait plus encore, et l'abbé Judikaël Le Coat était autre chose qu'un simple serviteur de l'église et qu'un soldat volontaire de la Monarchie.
Tout au fond de lui fermentait l'âme armoricaine dans toute sa rusticité, dans toute sa violence primitive, dans toute son ingénuité.
Ce prêtre paysan, au corps robuste, au cerveau imbu des légendes du pays, subissant l'atavisme de longues générations, n'avait pu dépouiller complètement les antiques errements de sa race. Devenu par l'enseignement écclésiastique un chrétien ardent, convaincu, fanatique, il demeurait cependant un prêtre sous lequel on pouvait retrouver un peu du druide d'autrefois.
Autour de lui, sur lui, en lui persistait l'ombre séculaire et merveilleuse des grands chênes de la vieille forêt gauloise; elle le baignait de son mystère, elle l'imprégnait de son énigme, et dans sa foi, il y avait toute une partie de ténèbres; sa physionomie mouvante, passionnée, s'éclairait tour à tour, avec la même vivacité, du reflet souterrain des feux de l'Enfer ou du ruissellement des lumières du Paradis.
La croix avait pu se planter dans son cerveau, se graver dans son coeur, sans détruire le granit ancestral de sa chair bretonne.
C'est ainsi qu'aux premiers âges, les missionnaires répandus en Bretagne la gravaient, cette croix, sur les dolmens, l'érigeraient sur les menhirs, en marquaient comme d'un sceau rédempteur toutes ces suspectes Pierres-Grises parsemant les landes. Sans anéantir la roche païenne, ils se contentaient de soumettre l'ancienne croyance à la nouvelle, en une sorte d'accommodement de l'une avec l'autre, imprimant pour ainsi dire le cachet de Dieu sur l'épiderme barbare de Satan.
Aussi au moment de la guerre de Vendée, les gentilhommes qui connurent Judikaël Le Coat et combattirent auprès de lui disaient-ils de ce prêtre étrange qui les émerveillait et les épouvantait à la fois :
- C'est une croix sur un menhir ! (...)
Pendant toute la durée de la guerre, sa parole incendia et son bras frappa.
Il ne se contentait pas d'enflammer les courages par sa présence, de verser comme une huile embrasée des phrases exaltées autour de lui sur ceux qui l'écoutaient, il prêchait d'exemple, et marchait lui-même à la tête des Chouans et des Vendéens.
N'ayant jamais d'autre arme qu'un énorme crucifix de fer, il l'élevait comme un étendard pour entraîner les siens, et s'en servait comme d'une massue pour assommer les Bleus et faire de furieuses brèches dans les rangs des Républicains.
Son cri de guerre, en fonçant sur l'ennemi, était :
- En avant pour la Croix !
Il appelait le moulinet qu'il exécutait avec cette masse d'un nouveau genre, et l'ouverture sangante qui en résultait : "La Trouée vers le Paradis".
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