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Critique de Antyryia



Kirstie et Lydia sont sur un balcon.
Lydia tombe par terre.
Qui est-ce qui reste ?

Comme leurs parents, j'étais bien tenté de répondre Kirstie mais finalement, c'est un peu plus compliqué que ça.
Lydia et Kirstie sont jumelles.
Des vraies de vraies, des monozygotes en tous points identiques physiquement.
Parfois les parents les habillaient différemment pour parvenir à les distinguer mais ce jour là elles étaient vêtues de la même façon.
"Elles étaient le reflet l'une de l'autre, sans l'inversion."
Et c'est quand même important de savoir : la chute a été mortelle.
Alors ils enterrent Lydia. Comment savent-ils que c'est elle ?
"Lydie-lo est tombée !" a entendu la mère.
Seule la jumelle survivante a pu informer les adultes de l'identité de la victime.
Par conséquent, la survivante est forcément Kirstie, non ?
Sauf que ...
Parfois, les filles échangeaient leur rôle.
Sauf que ...
Kirstie est beaucoup plus réservée désormais, et ce calme caractérisait davantage sa soeur.
Le chien se comporte avec Kirstie comme il se comportait avec Lydia, à laquelle allait sa préférence.
Kirstie a les mêmes points forts à l'école que feu sa soeur.
Et bien d'autres détails commencent à créer le doute.
Deux hypothèses sont possibles.
Troubles identitaires pour la survivante.
"Elle essaie de lui ressembler le plus possible, pour la remplacer et adoucir son chagrin."
Ou alors...
Ils n'ont pas incinéré la bonne jumelle.
Et Kirstie prétend parfois s'appeler Lydia. Complétement schizo la gamine de six ans, mais on serait perturbé pour moins que ça.
"C'est Kirstie qui est morte, moi je suis Lydia."
"Kirstie est morte, après elle était vivante, et après elle est encore morte."
"Je suis pas Lydia. Je suis Kirstie."
Y a-t-il eu une terrible méprise ? En tout cas il y a un doute légitime et plus aucun moyen scientifique de connaître la vérité.
Et à qui parle Kirstie ? le miroir lui renvoie-t-il son reflet ou celui de sa jumelle ? Avec qui joue-t-elle ?
Errare humanum est ?
Avouez qu'il y a de quoi en perdre son latin.
En premier lieu pour cette fillette qui a perdu son double. Pour les parents qui ont peut-être involontairement commis une monumentale erreur.
"Comment peux-tu nous confondre, maman ? Comment ?"
Et pour le lecteur qui ne sait laquelle de ces deux versions croire, les probabilités semblant pencher parfois dans un sens, parfois dans un autre.
A moins d'une théorie surnaturelle ?

Le doute, c'est l'histoire de cette famille, les Moorcroft, qui va tenter de se reconstruire après le drame. Pour ce faire, il vont changer d'environnement et s'installer sur l'île du tonnerre dont ils viennent d'hériter. Choisir cette île écossaise loin de tout, sans téléphone, inaccessible à pieds sauf à marée basse, ça n'était peut-être pas l'idée du siècle.
"Il n'y a évidemment pas d'accès internet, pas de réseau mobile non plus. L'isolement est total."
Mais que peuvent-ils encore avoir à craindre ? le pire est derrière eux, non ? Ils ont juste cette dernière énigme à résoudre. Les fantômes qui hantent ces terres, ce ne sont que des légendes urbaines. Leur fille va se faire de nouveaux amis. Mais si leur pire ennemi était déjà sur place ? Pourquoi cette tension entre les époux, Sarah et Angus ? Quel secret le mari alcoolique veut-il à tout prix préserver ? Pourquoi cette hostilité palpable dans le couple ?

Je n'ai que deux petits reproches à formuler après ma lecture.

Le premier, c'est que malgré la souffrance qui est ressentie par les personnages, qu'elle soit due à la perte d'un enfant ou au terrible doute qui les assaille, je suis resté uniquement spectateur. C'est à dire que je ne me suis jamais senti impliqué, je n'ai jamais partagé la douleur de ces parents qui, chacun à leur manière, demeure froid et distant. On partage certes leurs doutes et leur chagrin mais malgré toute la tension qui ne fait que grandir au fil des pages, leur sort m'est resté égal. Mais bon, il ne s'agit pas d'un roman sur le deuil d'un enfant, l'accident est davantage le point de départ d'une implosion familiale qu'on regarde doucement venir de l'intérieur. Mais ressentir davantage d'empathie aurait quand même servi le roman.

Le second est plus subjectif puisque j'ai lu ce thriller psychologique sans doute trop tôt après le second roman de Sean Thomas sous le pseudonyme de SK Tremayne, j'ai nommé La menace. Aucun doute : il s'agit bien du même auteur. Mais ce qui m'a dérangé ça n'est pas d'avoir retrouvé son style, c'est plutôt d'avoir vu tellement de points communs entre les deux trames que par moments j'avais l'impression de relire la même histoire. Sans faire une comparaison exhaustive, nous avons dans les deux cas affaire à un couple en grandes difficultés, les lieux choisis sont totalement isolés chacun à leur façon ( et regorgent tous deux de sorbiers ), les familles sont toujours aisées et doivent rénover leur nouvelle demeure, la langue parlée dans ces régions passe du gaélique au celte comme pour préserver un aspect mystique, l'ambiance surnaturelle joue un rôle important à chaque fois, et c'est aussi le cas des conditions climatiques ( neige, tempêtes, mer à proximité ) qui contribuent de façon trop similaire à créer un ajout superficiel au drame qui se joue. Je déconseille donc d'enchaîner les deux romans et j'espère que le troisième sortira au moins un peu de ce schéma sans dénaturer bien sûr le genre que l'écrivain a créé.

Parce qu'il ne s'agit pas simplement d'un livre à suspense de plus. Certes, les codes sont présents et participent à notre volonté de tourner les pages rapidement pour connaître le mot de la fin, qu'il s'agisse de l'identité de la fille survivante, de la façon dont cette tension cumulée va finir par exploser ou des petits secrets des uns et des autres ( "Nous sommes tous les deux doués pour la dissimulation." ) qui nous empêchent bien sûr d'avoir une vision d'ensemble. Mais au-delà de cette recette ici bien maîtrisée mais qui peut paraître usée, je dirais que SK Tremayne est arrivé à insuffler un nouveau souffle au thriller psychologique en y ajoutant justement cette touche fantastique, dans le sens où le lecteur est amené à se demander si les explications finales seront ou non rationnelles. Parce que les pièces du puzzle concocté par l'écrivain ont du mal à s'emboîter sans une présence spectrale ou sans croire au don de divination.
"Est-ce qu'elle est folle, est-ce qu'il y a réellement un fantôme, ou est-ce qu'elle fait semblant ?"
"Une sorte de porte ouverte entre le monde des esprits et le nôtre."

Le doute est donc un roman au titre particulièrement bien choisi et qui malgré mon impression de redondance parfois avec La menace m'a fait passer un très bon moment de lecture tant j'avais envie de connaître les réponses et le dénouement de l'histoire.
Un page-turner efficace qui se lit vite et bien, et dont l'originalité permet d'éclipser les quelques petits défauts.

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