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Critique de elitiatopia


Pour une ou deux raisons, ce roman n'est pas tout à fait un coup de coeur, mais il n'en est pas passé loin. C'est le premier que je lis de cet auteur haïtien, je ne connaissais pas du tout son style ni ses thèmes, je l'ai acheté sur la base du titre (incroyable) et de la couverture de l'illustratrice anglaise, Kemi Mai, qui est superbe.

La confrontation de deux personnalités et de deux milieux sociaux aussi différents que ceux de Francis (alias le Capitaine, ancien champion et enseignant en arts martiaux) et de Aude, jeune fille riche qui s'est inscrite un peu par désoeuvrement à un cours de journalisme par correspondance, et doit réaliser une enquête sur un quartier qu'elle ne connaît pas, du point de vue d'un témoin. Ce roman écrit d'une voix puissante et un peu folle allie l'amour des mots, du récit et des vies, de destins divers, à une étude sociologique d'un quartier de Port-au-Prince en Haïti, le Morne Dédé, presque un personnage à part entière. le quartier est réel, et le Capitaine nous conte la déshérence sociale à mesure que les habitants quittaient les lieux, ou parfois mouraient dans les geôles de la dictature. Il est la mémoire, l'héritier généreux de toutes ces existences ignorées qu'il fait revivre dans ses monologues, héritage qui convainc Aude d'essayer autre chose, de sortir des rails pour découvrir la fraternité et une action, un travail social modeste qui prend du sens.

Le roman est plus complexe qu'il n'y paraît, car derrière l'écran de l'histoire de son quartier, Francis cache autant que possible sa propre histoire, voire son identité, car il est en soi un mystère, et l'on sent bien qu'il faut qu'il parle pour réparer. Cela se fera grâce à l'oncle d'Aude, Antoine, qui partage un passé politique commun avec Francis, et qui réconciliera la jeune fille avec elle-même, tout en l'éloignant du cercle par trop prévisible de la famille et des connaissances d'un "bon milieu". Aller au bout des mots permettra à tous de prendre un nouveau départ, et d'allumer l'espoir dans les yeux des jeunes protégés du Capitaine (sous ses airs bougons).

Un bémol pour moi, dans une construction certes virtuose mais parfois déstabilisante pour ne pas dire décousue. Lyonel Trouillot aime les mots, cela se voit, sa langue est riche et colorée, les belles formules abondent, mais comme cela arrive parfois, avec un sens de l'expression un peu systématique, un peu trop visible aussi. C'est tout de même un magnifique voyage riche en humanité, pour faire découvrir un pays meurtri, toujours résilient mais proche de l'agonie.
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