ORPHELIN
I
O orphelin !
Pauvre enfant !
Que ta vie est malheureuse !
Quand tes parents étaient là,
Tu sortais en voiture
Ou te promenais sur un joli cheval.
« Maintenant, me dit-il,
Mon père et ma mère ne sont plus.
Mon frère et ma belle-sœur
M'obligent à faire du commerce.
Je suis allé jusqu'à Chi-kang,
De là, j'ai voyagé à Tsi et à Lou.
Voilà l'hiver, je reviens bien souffrant.
Pourtant je n'ose exprimer mes douleurs.
La tête pleine de vermine,
La figure couverte de poussière,
Mon grand frère m'ordonne de préparer le repas.
Ma belle-sœur me dit d'aller soigner les chevaux.
Je viens de monter à l'étage,
Et dois encore descendre ! »
L'orphelin verse des torrents de larmes !
II
« Dès le matin, on me charge de tirer l'eau d'un puits,
Au coucher du soleil, je retourne porter les seaux.
Je travaille péniblement avec mes mains,
Je n'ai pas de souliers aux pieds
Et tristement je foule la terre gelée
Parsemée de chardons et d'épines.
En arrachant ces mauvaises plantes,
Mon cœur est bien affligé !
Mes larmes tombent comme les flots qui se brisent,
Ah ! je pleure toujours !
Je vais, en hiver sans manteau,
En été, sans chemise.
Las de vivre, n'éprouvant pas de joie.
J'espère quitter bientôt ce monde
Pour rejoindre mes parents... »III
« Le voile du printemps se déploie, la brise souffle.
Les jeunes herbes naissantes s'élèvent à l'horizon.
En mars, on s'occupe des vers à soie.
On récolte, en juin, les melons.
Je pousse la voiture si lourde
Pour me rendre à la maison.
Malheureusement, le véhicule verse.
Peu de personnes viennent à mon secours ;
Tout le monde en profite pour manger mes fruits.
Rendez-moi les pédoncules
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supplié-je.
Mon frère et sa femme sont si sévères,
Que de blâmes je vais recevoir !
Ils vont me gronder, m'injurier.
Quelle triste vie !
Je voudrais envoyer une petite lettre à mes parents
Sous la terre pour leur dire
Que je ne puis vivre avec mon frère et ma belle-sœur.
J'AI A PENSER...
J'ai à penser : celui à qui je pense
Est au sud du grand Océan.
Que t'offrirai-je ?
Deux perles et une épingle en écaille.
Mais sachant ton cœur inconstant,
Je brûle ces bijoux
Et au vent fais voler leur cendre.
Dès maintenant, ne pensons plus l'un à l'autre !
Adieu ! je te quitte pour toujours
ILS SE BATTENT A LA PORTE DU MIDI
Ils se battent à la porte du midi
Et, au nord de la muraille, ils sont morts.
Sans tombeau, les corps lacérés gisent sur la plaine.
Partout, se dirige l'essaim de noirs corbeaux.
Attendez, attendez, méchants oiseaux,
Soyez généreux pour le moment.
Ces malheureux cadavres
Resteront toujours votre proie,
Aucun os blanc ne pourra vous échapper.
Tout est calme, seul retentit le bruit des vagues
Qui se brisent avec fracas contre le rivage.
Dans l'obscurité, le vent courbe
Les roseaux et les joncs mobiles.
Les excellents chevaux meurent
Après de terribles combats.
Quelques montures tristes vont et reviennent.
En poussant vers le ciel des clameurs funèbres...